L’École cantonale d’art du Valais – entre proximité et ouverture au monde

Numéro 10 – Juin 2006

Fondée en 1949 par Fred Fay, l’École cantonale d’art du Valais a vu défiler dans ses classes des professeurs illustres, comme Oskar Kokoschka, grande figure de l’expressionnisme. Désormais membre du réseau HES (Hautes écoles spécialisées), l’ECAV forme ses étudiantes et étudiants à la création. Entretien avec Françoise Brunner, directrice adjointe de l’établissement et responsable des échanges.

La situation du Valais est particulière, de par sa géographie et sa culture. Comment l’École cantonale d’art du Valais a pu s’y développer ?

C’est vrai, le Valais est excentré et il y existe peu de relais directs avec le monde de l’art. Mais c’est d’autant plus intéressant que tout est toujours à faire et à entreprendre. Anciennement École cantonale des beaux-arts, l’ECAV a pris son essor actuel sous la direction de Georges Pfründer, dont les expériences se sont accumulées de par le monde : il a notamment été formé en Chine et aux États-Unis et a mené des projets artistiques en Asie et en Afrique du Sud. Cela nous a permis de développer des approches spécifiques. Nous avons organisé, par exemple, des cours et colloques autour des questions de l’« excentricité » en art, nous avons mis en place un master et des projets de recherche portant sur ces questions et accueilli de nombreux artistes et intervenants de l’étranger. Les axes théoriques et critiques se sont également renforcés.

Le fait que l’école soit excentrée influence donc grandement votre réflexion…

Oui, et d’ailleurs, nous souhaitons participer au développement des périphéries. Nos étudiants viennent de diverses régions en Suisse et d’autres pays. Les enseignants également. Il s’agit aussi de saisir le rapport entre le local et le global, entre la concentration et l’ouverture au monde. Parallèlement, l’ECAV collabore avec le CRIC (Centre de recherche sur l’image et ses contextes) unité indépendante qui accueille des artistes en résidence et dont les ateliers sont situés à l’ECAV même. Durant leur séjour en Valais, ils peuvent proposer des work­shops où les diffé­rentes cultures se rencontrent, s’affrontent. Sélectionnés par un jury sur dossier, ils exposent à la fin du séjour le résultat de leurs travaux au public. De plus, M. H. J. Wyss nous est d’un appui précieux, qui offre des bourses destinées aux étudiants d’autres continents venant faire leurs études à l’ECAV. En échange, le donateur reçoit une œuvre de chacun de ces étudiants.

C’est un bel investissement vis-à-vis de l’institution, car les étudiants qui repartent peuvent transmettre plus loin les acquis de leurs recherches et ainsi d’autres liens se tissent encore.

Justement, quelle est l’importance, selon vous, de ces échanges artistiques, de cette transmission ?

C’est un fait indispensable pour faire exister un travail artistique. À l’ECAV, les possibilités de développer des liens se déroulent dans plusieurs directions : la relation et le regard réciproques des étudiants sur leurs propres travaux et avec leurs enseignants qui sont aussi des artistes, la conscience du travail des autres artistes par des workshops, des visites d’expositions et des rencontres avec des curateurs, les séjours à l’étranger pour des échanges. Ensuite, l’ECAV accueille beaucoup d’artistes et de chercheurs ou encore organise des événements ouverts au public avec des intervenants de renommée internationale, en relation avec le Forum d’art contemporain de Sierre, par exemple.

Depuis quelques années, vous faites partie du réseau HES. Qu’est-ce que cela a changé pour l’école ?

En tant qu’HES, nous avons un pôle unique en arts visuels. Du coup, l’obtention du diplôme a acquis un certain poids. C’est important, car dans une école d’art, on ne peut rien promettre aux étudiants à la sortie. En revanche, les acquis sont multiples et différents pour chacun. C’est une formation qui ouvre vers maintes possibilités en dehors du développement de ses recherches personnelles telles que les échanges avec d’autres artistes, la création de réseaux culturels, l’organisation d’expositions, les programmes de master, etc.

En fait, il ne s’agit pas de l’acquisition d’un « métier », mais d’amener les étudiants à maîtriser les enjeux d’un travail et les liens tissés avec les réseaux artistiques et culturels, avec le monde extérieur. Et donc d’une conscience à travers un travail artistique. Des cours théoriques fondamentaux et pluridisciplinaires interrogent notamment ces questions ainsi que les rapports avec les nouveaux médias et le son, de plus en plus importants dans les arts visuels.

Quelles sont vos exigences vis-à-vis des étudiants ?

Nous leur demandons d’avoir les épaules solides. D’avoir le désir du partage et beaucoup de curiosité. Sans oublier l’engagement personnel, la volonté et l’ambition. D’accepter que rien n’est acquis et de se trouver parfois déstabilisé. Et nous leur disons que cela en vaut la peine. Même si tous les étudiants ne deviennent pas artistes, les acquis et expériences en école d’art leur serviront toujours et de multiples façons.