Édito n°12, novembre 2006 – L’essor ne peut venir que des gens de culture

Numéro 12 – Novembre 2008

Cherche agent désespérément… semblent crier les musiciens romands. À l’heure d’Internet et de la webcam, les artistes romands de la scène, qu’ils soient musiciens, comédiens ou danseurs, peinent encore à diffuser leurs créations. C’est qu’il n’existe aucun organisme qui leur permettrait de mieux connaître les salles susceptibles d’accueillir leurs créations, mais aussi de proposer et de présenter leurs œuvres. Forte de ces constats, l’association enJEUpublic, éditrice de CultureEnJeu, prépare un groupe de travail qui planchera sur les problèmes liés à la diffusion dans le domaine musical. Tous les professionnels concernés sont invités à y participer.

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Illustration © 2006, Bruno Racalbuto

En outre, avec le concours de ses cinéastes, enJEUpublic a également créé un groupe de travail interdisciplinaire qui œuvre à la création d’un fonds régional pour le théâtre – dont la forme et la fonction exactes restent à déterminer. Sur le modèle du Fonds Regio films, pionnier en matière de régionalisation des ressources économiques pour le cinéma. Le point fort du futur fonds sera d’amener des ressources économiques supplémentaires – notamment mises à disposition par la Loterie romande – tout en s’appuyant sur le vif intérêt manifesté par les structures professionnelles existantes comme la Corodis et le Syndicat suisse romand du spectacle, porteurs des aspirations et des exigences des métiers du théâtre. Ce fonds favorisera et rendra plus fluide la circulation des œuvres et des artistes du théâtre à l’échelle romande et suisse, étapes nécessaires avant des tournées au-delà des frontières. Allegro moderato.

Le périple entrepris par CultureEnJeu depuis 2005 a permis de mettre en exergue, dans les différents arts du paysage romand, des manques, en matière de promotion par exemple, mais aussi des réussites telles que la fédération toujours plus grande des forces artistiques, tous domaines confondus, ou les avancées concernant la reconnaissance d’un statut. Car les artistes et leurs organisations prennent leur sort en main. Initiateurs et partenaires, ils infléchissent la réalité de leurs pratiques pour pouvoir influer sur la politique culturelle.

Question de cohérence, une meilleure diffusion des œuvres ne servira à rien si les lieux pour les accueillir ferment les uns après les autres. Une salle de concert, une librairie, une salle de cinéma, généreuses et ouvertes dans la diversité de leurs propositions, sont des espaces de conscience collective, relayée autrement que par des caméras de surveillance. Lorsqu’elles sont contraintes de fermer leurs portes, faute de soutien étatique, ce ne sont pas seulement leurs exploitants ou les artistes qui perdent un lieu d’échange. Le public voit lui aussi la diversité de ses choix se rétrécir. On lui impose, du même coup, un changement de mode de vie, en l’obligeant à fréquenter supermarchés et autres multiplex. Andante con moto.

À Carouge d’ailleurs, le combat citoyen qui a permis de sauver le Cinéma Bio 72 démontre bien l’interdépendance entre le lieu qui projette les films et la diversité de la programmation. La volonté politique reste une nécessité incontournable pour que l’on respecte la particularité et le rôle social d’une entreprise culturelle. Dans le domaine des livres, le prix unique, si d’aventure il était instauré par le Parlement, défendrait les auteurs et la littérature suisses, mais aussi les librairies de proximité, victimes des géants de la distribution.

La protection de l’environnement inclut la sauvegarde du patrimoine culturel dans son lien dialectique entre territoires physiques – bâtiments, salles – et contenus culturels et artistiques. Minimiser la disparition de lieux où un certain art de vivre, le plus grand des arts selon Brecht, peut trouver sa demeure, s’apparente à nier un danger écologique. Rondo vivace.


L’affirmation « L’essor ne peut venir que des gens de la culture » est de Benno Besson (entretien avril 2005, CultureEnJeu n°7)