Deux discours prononcés le 8 août au Festival de Locarno

Numéro 15 – Septembre 2007

Nous reproduisons deux discours prononcés le 8 août 2007 au Festival de Locarno

Discours de Philippe Maillard, directeur général de la Loterie Romande

« Dans le cadre de leur mission d’utilité publique, les Loteries suisses apportent un soutien important au monde culturel ; elles le font par le truchement des fonds de loteries ou des organes de répartition indépendants. Notre soutien à la culture atteint, en Suisse, 150 millions de francs chaque année.

Pour la seule Suisse romande, nous avons dépassé les 55 millions en 2006. Le cinéma n’est pas en reste. Toujours en 2006, dans les 6 cantons romands, ce sont près de 8 millions qui auront été remis sous forme d’appui au secteur cinéma.
Cet apport est varié.

Il passe de l’aide à la production, via notre participation au Fonds Regio, à celle qui est accordée aux nombreux festivals qui se déroulent dans ce coin de pays. Cette aide va même à ceux qui ne sont pas, pas encore ou plus soutenus par la Confédération…
Fribourg, Nyon, Genève, Lausanne, Neuchâtel, etc. Peu des festivals romands manquent à l’appel.

Notons que les relations entre le Loterie Romande et le 7e art sont anciennes.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les fourgons cinéma de la Loterie se rendaient dans de nombreux villages romands pour y projeter films et documentaires.
Dès le début des années soixante, la production de documentaires avec les différents films d’Henri Brandt et de bien d’autres a bénéficié des aides de la Loterie.


Discours de Frédéric Gonseth, président de l’association enJEUpublic

« Le cinéma suisse obtient en complément aux aides publiques le soutien de l’économie privée. C’est précieux, mais il y a toujours d’une manière ou d’une autre une contrepartie. Il faut entrer dans un calcul. Est-il bon pour l’image de cette entreprise de soutenir tel film, tel festival ? La réponse peut être oui, mais elle peut aussi être non. Il serait curieux d’attendre de l’économie privée qu’elle soutienne le cinéma suisse et la culture en général de manière totalement désintéressée.

Une aide désintéressée à la culture c’est tout simplement une aide qui laisse aux créateurs et à la branche elle-même la compétence, un point c’est tout.

Il existe des exceptions dans ce paysage économique : un certain nombre de fondations privées, dont la Migros, qui ont instauré depuis longtemps un mécanisme d’aide désintéressée. Mais tout cela se passe à un niveau relativement modeste dans le cinéma.

Aujourd’hui, Swisslos et la Loterie Romande représentent la seule force économique privée qui vienne en renfort aux aides publiques avec des sommes très importantes – il s’agit tout de même de plusieurs dizaines de millions sur ces dernières années rien que pour le cinéma. C’est une force qui accorde son soutien sans calcul, sans exiger autre chose en contrepartie qu’une réelle prestation artistique, sans intervenir sur le contenu et les processus de création, et surtout, de manière stable et continue.
Il y a d’autres systèmes possibles, mais aucun n’assure aux créateurs ce degré de liberté.

Seulement, il y a un problème : est-ce que Swisslos et la Loterie Romande existeront encore dans cinq ans ? Ce n’est pas sûr !
Aujourd’hui, cette force voit son cadre politico-légal remis en cause par ceux qui pensent qu’il faut laisser grignoter le monopole des loteries suisses pour permettre à des trusts internationaux privés de se mettre la moitié des bénéfices des jeux dans la poche.

Pour certains, c’est une évolution naturelle, inéluctable. Nous pensons au contraire que c’est un choix de société et que le débat doit avoir lieu, d’autant qu’il concerne aussi d’autres domaines.

Nous estimons qu’il faut que les cinéastes suisses puissent dire une fois, au cœur du festival le plus populaire du pays, qu’ils sont sensibles au travail que font ces deux entreprises pour récolter avec persévérance ces sommes qui deviennent énormes et qu’elles remettent intégralement à la disposition de la communauté. Finalement, les valeurs qui inspirent cette activité économique pas comme les autres nous paraissent très belles. »