Édito n°16, novembre 2007 – De fil en aiguille

Numéro 16 – Décembre 2007

CultureEnJeu s’est paré d’une nouvelle identité visuelle, vous l’avez découvert dans notre numéro précédent. Elle se distingue par un méandre blanc symbolisant le cheminement vers une meilleure reconnaissance de la culture en Suisse. Un principe l’accompagne : donner une couleur différente à chaque numéro, dont une gamme se décline à l’intérieur du journal. Touche finale lui conférant caractère et consistance, notre nouveau papier aux qualités écologiques n’aura probablement pas échappé à nos lecteurs.

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Illustration © 2007, Bruno Racalbuto

Né en janvier 2004, CultureEnjeu, journal d’enJEUpublic, exprime depuis quatre ans notre perspective fondamentale, celle d’être une plate-forme de questionnements et de propositions sur les problèmes récurrents de politique culturelle et de gestion économique des ressources de l’art et de la culture.

Ce dernier numéro de l’année traite des thèmes qui touchent, tel le Grand Lausanne, une politique régionale incontournable. L’initiative qui sera lan­cée en 2008 par la Loterie Romande met en jeu, nous dit son directeur Philippe Maillard, un choix de so­ciété. On évoque aussi l’émergence de démarches originales dans le domaine des littératures suisses et de l’édition. L’option d’une capitale d’envergure – Lausanne –, n’est pas contradictoire avec celle d’une agglomération périphérique culturellement diversifiée. La prise en compte de la notion de complémentarité en matière culturelle pourrait servir à penser la culture à la fois dans sa globalité et dans sa diversité à une échelle supra-communale. Évidemment, le rôle du canton et sa volonté politique pour une culture d’agglomération restent essentiels pour aller plus loin.

L’illusion de la gratuité de l’offre culturelle est une question délicate qui prête à confusion. Le travail artistique a un coût. Les artistes professionnels sont censés vivre de leur travail au même titre que d’autres titulaires de métiers. Et ce « travail » s’appelle la création mais n’est pas pensé en ces termes, car la conception néo-libérale de l’économie, épaulée par une interprétation mécaniste du marketing, confine son évaluation à la rentabilité. Cette perspective dénature l’identité du travail artistique. Autre versant de la « gratuité », le public est amené à confondre cette notion avec la superfluité de l’art. M6 est un exemple parfait de l’illusion de la gratuité : les téléspectateurs croient que M6 vient chez eux sans que cela ne leur coûte rien… en réalité M6 vient leur piquer de la publicité, et qui paie la publicité si ce n’est le consommateur ? Quand la chaîne privée française vient en plus prélever de la publicité spécifiquement suisse, c’est du piratage et carrément une opération qui s’apparente à du vol. Attention mirage !

La protection des biens immatériels de la société, dont l’art et la culture font partie, participe à la défense de la diversité au même titre que les traditions et la mémoire historique. Les innovations comme le master en littératures suisses œuvrent en ce sens et méritent un soutien énergique. Pour respecter l’identité propre du fait culturel et évaluer son coût avec justesse, nous avons besoin d’une politique culturelle forte, intelligente et intelligible – en concertation avec les artistes – aux niveaux communal, cantonal et fédéral.

Le Rassemblement des artistes et des acteurs culturels de Genève crée un Forum Art, culture et création pour 2008. Les deux volumes de l’His­toire du cinéma suisse nous ravivent cette mémoire indispensable dont Hervé Dumont, directeur sortant de la Cinémathèque suisse, confie à Gérald Morin la trajectoire. Sensibiliser l’ensemble de la société, informer les politiques et le public sur la réalité des pratiques exigées par les différents arts, rechercher énergiquement un dialogue constructif avec nos autorités… les raisons de prendre en charge leurs intérêts ne manqueront pas aux artistes suisses où qu’ils demeurent.