L’égalité, fondement de la démocratie
En réponse à l’article de Jacques-André Haury
L’article L’égalitarisme, utopie ravageuse commence par admettre que l’égalité devant la loi « constitue une conquête de la Révolution française et la spécificité des régimes démocratiques ». Cependant, cette admission est aussitôt contrebalancée par la constatation que « les égalitaristes », ces gourmands, veulent une égalité absolue.
Dans la suite de l’article, il devient clair que, pour l’auteur, non seulement l’égalitarisme est une utopie, mais que l’égalité elle-même est quelque chose d’inatteignable, et qu’il faut s’y faire : « Lutter pour l’égalité, c’est lutter contre la nature. » Le coup de chapeau initial à l’égalité devant la loi est vite dilué, notamment dans l’amalgame qui est constamment fait entre nature – « Dès la première bactérie, la vie organise, hiérarchise, sélectionne… » – et civilisation. L’égalité de deux hommes devant la loi ne peut pas être mise en parallèle à l’égalité de deux cellules devant la génétique.
L’égalitarisme n’est pas un idéal pour midinettes de la politique.
Le plaidoyer contre l’égalitarisme traité d’utopie sympathique mélange ces deux plans – position classique, au fond, pour dire que nous vivons dans une société inégalitaire et qu’il faut s’y faire. Or, s’il est impossible de dire, par exemple, qu’Albert Einstein et son fils Edouard, qui était gravement handicapé, sont égaux devant l’intelligence, nous pouvons, et devons si nécessaire, nous battre pour qu’ils aient les mêmes droits face à leurs concitoyens, à la société, et par conséquent à la loi.
L’égalitarisme n’est pas un idéal pour midinettes de la politique. Il ne postule pas que les hommes soient tous pareils – il est évident qu’il y a des rouquins et des blonds, des Africains, des Asiatiques, des Musulmans, des Buddhistes, des Blancs, des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux, etc.
Le corps social cherche à contrer la tendance autoritariste du pouvoir par des lois.
Il postule un projet de société dans lequel un frein est mis au pouvoir illimité de quelques individus particulièrement forts et prédateurs aux dépens du corps social. Il postule que des freins soient mis à une prise de pouvoir de type dictatorial, que ce soit au niveau politique, financier, ou simplement physique.
Ce projet de société n’est pas facile à mettre en œuvre.
Les hommes ne sont pas parfaits. De nombreux humains cherchent à confisquer à leur avantage le pouvoir sur d’autres humains. Mais tous les hommes n’étant pas égaux, cette diversité même, qui est pour M. Haury un obstacle, fait qu’il y a aussi des hommes qui ne sont pas d’accord avec les tendances dictatoriales d’autres hommes.
Et ainsi, le corps social cherche à contrer la tendance autoritariste du pouvoir par des lois – elles non plus ne sont pas parfaites, mais elles font partie d’un processus qui constitue une des grandes aspirations de l’humanité. Le processus non plus n’est pas parfait. Ce n’est pas une raison pour y renoncer.
Nous sommes des animaux complexes, qui portons en nous les instincts de la nature sauvage mais qui, seuls dans le règne animal, avons une intelligence qui nous permet d’avoir un sens moral. Du coup, nous avons des idéaux, et même les capacités de les mettre en œuvre. L’égalité de tous devant la loi est un de ces idéaux. En faire une utopie pour naïfs implique que l’inégalité sociale est une fatalité. Laissons donc la société aux financiers qui ruinent librement, aux politiciens qui nous utilisent et nous manipulent pour le pouvoir de quelques-uns – et ainsi de suite.
Si nous voulons une civilisation de progrès humain, le pessimisme face à l’égalité et le sourire condescendant face aux égalitaristes sont des luxes que nous ne pouvons pas nous offrir.
L’idéal égalitaire est un projet politique réel qui tend à empêcher les dérives de tous les pouvoirs. Il est difficile à mettre en œuvre. Mais vouloir une société juste, aussi égalitaire que possible, n’est pas une utopie. C’est une nécessité.