Le Conseil du Public, comment ça marche ?

Numéro 34 – Juin 2012

La base légale de la RTS est la RTSR. Celle-ci se compose de sociétés régionales, les SRT, qui regroupent des auditeurs et téléspectateurs de leurs cantons respectifs. Ces mêmes SRT délèguent chacune deux représentants dans un Conseil du Public, qui a pour missions de relayer les avis des auditeurs et téléspectateurs sur les émissions, d’analyser des émissions tant sur leur contenu que sur leur forme et de se pencher sur des problématiques plus générales (violence sur le petit écran, signalétique des âges, etc.). Il veille également à l’équilibre entre les diverses régions de Suisse romande dans l’actualité ou le choix de sujets de magazines. Le conseil se prononce, enfin, sur les grilles de programmes, qu’il s’agisse des grilles spéciales des fêtes de fin d’année ou d’été, mais aussi sur les grandes orientations de ces grilles et de leurs modifications, cas échéant.

Ce conseil n’a pas de compétence décisionnelle et n’a pas pour but de censurer des émissions, mais de vérifier le respect de la mission de service public de la RTS. Les autres régions linguistiques de notre pays ont également des conseils du public, qui remplissent les mêmes missions.

Le Conseil du Public n’a pas pour vocation de se substituer à des professionnels des médias, ni à des systèmes de contrôle qualité internes ou externes, mais de travailler de manière complémentaire à ces entités. Le défi d’un tel conseil, composé de miliciens, est d’assurer une expression organisée de l’avis des auditeurs et téléspectateurs. Celle-ci ne doit donc pas être « du niveau » de celle d’experts, mais permettre de rendre compte des attentes du public.

« L’audimat n’est pas la mesure de toutes choses » pourrait être son credo, le Conseil du Public privilégiant clairement la qualité des programmes. Bien sûr, il ne conteste pas la nécessité, pour des médias fonctionnant sur la base de la redevance, de toucher un large public, mais reste convaincu que la qualité est le meilleur argument pour gagner des auditeurs ou des téléspectateurs. En effet, qui voudrait entendre La Première se transformer en succession de talk-shows racoleurs ou la RTS 1 devenir une RAI romande ?

Le Conseil du public et la culture à la RTS

On ne le sait que peu, la RTS a un Conseil du Public[1]. Ce conseil étudie de nombreux aspects des programmes. Il analyse des émissions radio ou télé, rédige des rapports sur celles-ci, qui sont ensuite soumis aux professionnels et discutés en séance avec ces derniers.

Les échanges sont riches et nourris et débouchent soit sur un consensus, soit sur le maintien de certaines remarques ou recommandations de la part du Conseil du Public à l’égard de la RTS. Si chaque séance comporte à son ordre du jour l’examen d’une ou plusieurs émissions et une partie de critique générale des émissions, le Conseil du Public se penche également sur des thématiques plus vastes. Ce fut le cas en fin d’année passée, lorsque le conseil s’est penché sur l’offre culturelle à la RTS.

Cette appellation « d’offre culturelle » tenait à englober tant les émissions dédiées à la couverture de l’actualité culturelle qu’à la programmation cinéma et séries des chaînes de la RTS. Auparavant, le Conseil du Public s’était déjà penché sur les nouvelles fictions de la RTS, productions romandes telles que « 10 » ou « En direct de notre passé ».

Le constat global est que si la couverture de l’actualité est en soi bonne, elle a une meilleure place sur les ondes que sur le petit écran, ce dernier n’offrant à peu près qu’une seule émission, « La puce à l’oreille », qui mériterait, de l’avis du Conseil du Public, de sérieuses améliorations (estimant qu’on survole quelque peu les sujets et que l’émission proposant à des gens non-connaisseurs d’un domaine artistique de se prononcer, en « critique de milice » sur un spectacle ou une exposition, on dépendait beaucoup de la curiosité de l’invité sans être certain d’offrir un réel regard critique sur l’objet en question).

Ce conseil a pour but de vérifier le respect de la mission de service public de la RTS.

Pour la radio, « Dare-Dare », bien sûr, mais aussi les diverses émissions consacrées au cinéma, ont fait l’objet de louanges appuyées. Il a notamment été relevé que l’actualité du cinéma suisse faisait l’objet de nombreux sujets, ce qui est réjouissant. Tout en regrettant que, paradoxalement, la radio s’intéresse bien plus au 7e Art que la télévision, qui en est pourtant la petite cousine. Faisant état d’un désaccord sur l’intérêt de programmer une émission sur le cinéma à la télévision entre la direction des programmes et le conseil, ce dernier a maintenu sa recommandation et la remettra sur la table à chaque occasion.

Dans l’analyse de la couverture de l’actualité culturelle, le Conseil du Public a également été attentif que la forte visibilité des productions de l’arc lémanique n’occulte pas la part importante de création qui existe dans les autres régions de Suisse romande, et a pu constater un équilibre réjouissant sur ce point.

Sur la programmation des fictions (films et séries), le conseil a émis plusieurs réserves. Tout d’abord, il estime que les différents rendez-vous cinéma de la RTS font une part trop belle aux grosses productions hollywoodiennes, qui ne sont pas toujours synonymes de qualité scénaristique ou de créativité formelle. Pour certains rendez-vous plus particuliers, comme « Le film de minuit », dédié au cinéma fantastique, la très faible présence du cinéma asiatique ou scandinave a également été regrettée, tant les cinématographies de ces régions font montre d’une inventivité et d’une créativité exemplaires, notamment dans le genre fantastique.

Par contre, le conseil était satisfait de voir que, d’une manière générale, la production cinématographique suisse connaissait une bonne diffusion.

Au niveau des séries, un autre désaccord entre professionnels de la RTS et Conseil du public a fait jour : la programmation des séries du premier rideau. Deux éléments ont été relevés : d’une part l’offre se compose exclusivement de séries policières et, d’autre part, des séries de grande qualité (Rome, Damage, Pigalle la nuit, Mad Men ou encore Boardwalk Empire) se retrouvent confinées à des heures tardives, les empêchant de facto d’atteindre un plus large public. Ce souci du Conseil du Public s’appuyait notamment sur le fait que le domaine des séries télévisées est devenu une grande source de créativité et d’inventivité ces dix dernières années, prenant, notamment outre-Atlantique, le relai d’une industrie du cinéma devenue plus machine à fric que machine à rêve.

Les différents rendez-vous cinéma de la RTS font une part trop belle aux grosses productions hollywoodiennes.

Dans son constat, le CP s’appuyait également sur le renouveau qui a été apporté à la production propre de la RTS en matière de séries. Il semble en effet que nous soyons en train de quitter le terrain des Pics-Meuron pour explorer de nouvelles écritures et en renouvelant les distributions, faisant une bonne place à des comédiens romands. Ainsi, le CP a salué des séries comme 10 ou CROM, qui, si elles présentent certains défauts de jeunesse, sont très encourageantes pour les productions futures de la RTS.

Enfin, le Conseil du Public a salué l’engagement financier de la RTS dans la production de fictions suisses, qu’il s’agisse de films ou de séries. En effet, si elle dispose de moyens nettement inférieurs à ses voisins français, la RTS joue un rôle important en apportant son soutien à de nombreuses productions suisses, qu’il s’agisse de films ou de séries (citons, récemment : All That Remains de Valentin Rotelli et Pierre-Adrien Irlé, À perdre la raison de Joachim Lafosse, Opération Libertad de Nicolas Wadimoff, ou Les vivants pleurent aussi de Basil da Cunha).

Ces quelques exemples des travaux du Conseil du Public montrent, je l’espère, l’attachement de ses membres à des médias de service public de qualité, qui ne fassent pas de l’audimat une culture d’entreprise.

[#1] Informations et rapports disponibles sur www.rtsr.ch