Le cinéma suisse en VoD avec UniversCiné
Des films en téléchargement, en streaming ou à la vente, mais aussi des bonus maison, des articles, des événements promotionnels : spécialisée dans la diffusion du cinéma européen indépendant, la plateforme de vidéo à la demande (VoD) UniversCiné va bientôt inaugurer sa version suisse. Lancé il y a dix ans par un groupement d’une cinquantaine de producteurs français, le concept a depuis essaimé dans toute l’Europe. Il existe aujourd’hui en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en Autriche, en Pologne, en Finlande et en Irlande. Actuellement nommée UniversCiné Switzerland, la plateforme s’appelle leKino.ch. Décollage en octobre. Nouvelle opportunité de diffusion pour le cinéma indépendant européen, UniversCiné Switzerland profitera aussi au cinéma suisse. Entretien avec sa directrice Alessandra Moresco.
UniversCiné Switzerland (bientôt leKino.ch) permettra d’augmenter le visionnement des films indépendants européens en Suisse, mais son but est aussi de mettre en valeur la production locale. Comment allez-vous travailler avec les films suisses ?
Alessandra Moresco : UniversCiné Switzerland fait partie du réseau EuroVod, qui réunit maintenant huit pays, mais chaque plateforme travaille de façon indépendante. Notre première offre consiste à proposer un environnement dans lequel les films ne sont pas concurrencés par des blockbusters. Ensuite, nous mettons en place un travail de promotion ciblé sur chaque film, avec des bonus vidéo et des articles rassemblés, parfois élaborés par nous, notamment par un groupe de journalistes et critiques romands et suisse-allemands que nous sommes en train de constituer. Nous travaillerons aussi sur des évènements VoD. Un film peu connu pourra être associé à une œuvre qui a bien marché en salle, et qui joue un rôle de locomotive. Enfin, nous sommes en train de mettre en place des partenariats avec des festivals suisses (Visions du Réel, Les Journées de Soleure et le Festival du film de Locarno…), avec la Cinémathèque suisse et avec des distributeurs comme « Base-court », qui s’occupe des courts-métrages en Suisse romande.
Si nous représentons le cinéma indépendant avec un catalogue important nous avons plus de chance de placer du cinéma suisse chez des exploitants VoD comme Netflix, Google Tv et Amazon.
Comment constituez-vous votre catalogue de films suisses ?
AM : Dès mon entrée en fonction, en janvier dernier, j’ai commencé à prendre des contacts avec les ayants droit, distributeurs, producteurs et réalisateurs/producteurs. Du fait que la Suisse est un marché très petit, et que certains ayants droit avaient déjà des contrats avec d’autres plateformes, nous avons obtenu des mandats non-exclusifs.
Prenez-vous aussi des mandats exclusifs ?
AM : Oui. Détenir une exclusivité permet d’avoir une véritable force de frappe. UniversCiné France, par exemple, ne travaille pas seulement comme distributeur de films indépendants, elle a aussi un rôle d’agrégateur. La société détient aujourd’hui les droits exclusifs de beaucoup de films français et internationaux, dont elle propose l’exploitation à d’autres plateformes comme iTunes ou Orange. Le fait d’être agrégateur tout en étant diffuseur en ligne permet de négocier les conditions de l’exploitation par ses concurrents. Sur iTunes, UniversCiné France a pu obtenir des contrats de référencement très intéressants. C’est devenu un acteur de catégorie A dans ce domaine.
Que vous soyez agrégateur des films suisses n’empêcherait donc pas qu’ils soient distribués sur d’autres plateformes VoD ?
AM : Absolument pas. De gros acteurs vont bientôt arriver dans la VoD, comme Netflix, Google Tv et Amazon. Si nous représentons le cinéma indépendant avec un catalogue important et de qualité, nous avons plus de chance de placer du cinéma suisse chez ces exploitants, ou sur les plateformes des consoles de jeux. Nous sommes aussi en discussion avec les acteurs de la future télévision connectée pour que notre catalogue soit mis en évidence sur les écrans.
Dans quelle mesure le réseau EuroVod permettra-t-il aux films suisses de jouir d’une diffusion européenne ?
AM : Dans la mesure où chaque membre mène une politique propre, nous ne pouvons pas garantir une diffusion automatique à l’échelle de tout le réseau. La plateforme allemande ou espagnole peut ne pas vouloir tel film parce que son thème est déjà trop exploité. Mais dès le moment où les ayants droit nous autorisent à proposer le visionnement d’un film suisse sur une autre plateforme, nous le proposons à nos partenaires. Le but d’UniversCiné est de favoriser au maximum la circulation des films.
Nous proposons un environnement dans lequel les films ne sont pas concurrencés par les blockbusters […] et mettons en place un travail de promotion ciblé sur chaque film.
En ce qui concerne les droits d’auteur, vous avez récemment conclu un contrat avec la SSA. Pour quelle raison ?
AM : Dès le moment où nous tenons à respecter les droits d’auteur, il est indispensable de collaborer avec une société comme la SSA. Avec Suissimage, la SSA concentre les auteurs du cinéma suisse et travaille avec son réseau européen de sociétés de droits d’auteur. Pour nous, la SSA représente aussi bien Suissimage que ses sociétés partenaires européennes.Travailler avec elle nous apporte une grande sécurité juridique. Nous avions aussi besoin de trouver un accord sur la question des tarifs et du principe de perception des droits.
Travailler avec la SSA nous apporte une grande sécurité juridique sur la question des tarifs et du principe de perception des droits.
Il semble que vous ayez rapidement trouvé un terrain d’entente…
AM : La SSA s’est montrée très ouverte et très réceptive. Nous avons pu expliquer les spécificités du visionnement des œuvres par VoD, et ce qui caractérise ce marché, dont les flux d’argent se calculent au centime près. Les discussions se sont engagées rapidement, et nous avons trouvé des solutions concrètes en peu de temps. Notre collaboration a été très efficace. L’accord a été finalisé en juillet 2012.
Quelles sont les grandes lignes de votre accord avec la SSA ?
AM : Son principe de base consiste à payer les droits d’auteur sur la base d’un forfait. La SSA a pris l’initiative de proposer l’idée d’un forfait global, calculé sur le volume de films visionnés qu’ils soient suisses ou étrangers. Ce volume est déterminé par le nombre de films de notre catalogue, et par un volume global de diffusion, élaboré sur une base statistique. C’est un système qui nous semble juste pour les auteurs comme pour nous.
Article paru dans le bulletin de la SSA, Papier n°105, été 2012