Édito n°38, juin 2013 – L’Art & la Ville

Numéro 38 – Juin 2013

L’art dans la ville se manifeste sous deux formes bien distinctes. Celle proposée à l’intérieur des musées ou des galeries, et celle présentée dans les espaces publics.

Faire construire un château, un palais, une tour, une cathédrale, une statue, une fontaine, une esplanade dans la cité a toujours été une marque de pouvoir, une volonté de visibilité et déjà une forme de « marketing » de la part du commanditaire vis-à-vis d’un public choisi.

Au XVIe siècle, par exemple, les papes décidèrent de donner à Rome la prestance de la capitale de la chrétienté, non seulement pour affermir leur pouvoir aussi bien temporel que spirituel mais également pour reconquérir les catholiques afin de concurrencer la Réforme protestante de plus en plus envahissante. Ils assainirent la ville, pourvurent différents quartiers d’eau potable, tracèrent de grandes artères, érigèrent de nombreux et splendides palais et monuments pour attirer  voyageurs et pèlerins vers cette ville qui devint une des plus belles d’Europe. Ainsi cette agglomération qui ne comptait que 20’000 habitants passa en moins de deux siècles à plus de 150’000 citadins.[1]

À cette époque, les œuvres d’art étaient avant tout visibles auprès des familles fortunées et des collectionneurs éclairés, mais aussi dans les églises et les espaces publics. L’existence des musées, ces « lieux consacrés aux muses », ouverts à tous, n’apparaîtra qu’au milieu du XVIIIe siècle sous l’influence des philosophes des Lumières qui cherchèrent à mettre le savoir et les arts à la disposition du plus grand nombre pour favoriser le progrès. La suppression des jésuites, dans presque toute l’Europe, avec la saisie de leur patrimoine artistique et plus tard la mise à disposition de la nation, par la Révolution française, des richesses de l’Église et de l’aristocratie, vont mettre sur la place publique une grande quantité d’œuvres d’art. Sans oublier les razzia faites par les différentes armées lors de leurs conquêtes. Dès lors vont naître et se développer des lieux publics appelés musées où ces œuvres réquisitionnées et celles de nombreux collectionneurs vont pouvoir êtres vues par tout un chacun.

Ainsi, au fil des siècles une nouvelle vision de la vie dans la cité a pris corps. Mais qu’est-ce qui fait qu’une ville est plus agréable à voir et à vivre ? Et comment la rendre plus attrayante et plus accueillante ? Alors qu’aujourd’hui les techniques de construction ont fait d’énormes progrès, le ratio œuvres d’art/population semble avoir avec le temps drastiquement diminué. Est-ce la volonté de profit à tout prix qui en est la cause ? Ou bien une paupérisation de la valeur de l’humain dans notre société ? GM

[#1] À lire le passionnant ouvrage de Jean Delumeau, La Seconde Gloire de Rome, XVe – XVIIe siècle, aux Éditions Perrin, 2013.

À lire aussi Introduction à l’art public contemporain d’Hervé-Armand Bechy (pp. 11–34) et Art sur commande de Christoph Doswald (pp. 37–55) dans Neon Parallax, aux Éditions Infolio 2012. Cet ouvrage est consacré au projet d’art public Neo Parallax voulu par les Fonds d’art contemporain de la Ville et du canton de Genève et réalisé entre 2006 et 2012 sur la plaine de Plainpalais à Genève.