Le Ministère de la culture fait des adeptes

Numéro 6 – Mai 2005

Aberrante, l’idée d’un Ministère suisse de la culture lancée par l’association enJEUpublic ? Si Pascal Couchepin la balaie d’un revers de manche, elle commence pourtant à trouver des avocats !

Si l’ancien député PDC Jacques Neirynck réprouve les jeux d’argent et a exprimé son opinion dans ces colonnes, ses arguments en faveur de la création d’un Ministère de la culture sont bienvenus. Dans sa lettre ouverte à Jean-Frédéric Jauslin, nouveau directeur de l’Office fédéral de la culture (OFC) parue dans L’Hebdo (3.4.2005), il constate notamment : « La Suisse n’a pas de ministre de la Culture à part entière. [...] On dispose d’un Conseiller fédéral à temps plein rien que pour l’armée, d’un autre pour les finances, d’un troisième pour la justice et la police, parce que ce sont les obsessions d’un pouvoir déphasé. Mais il n’y a pas de ministre de la Santé a plein temps, ni de ministre de l’Education nationale, ni un ministre de la Sécurité sociale. Tout cela est rassemblé avec la Culture au Département de l’Intérieur, véritable fourre-tout, où se retrouve tout ce qui coûte et ne rapporte rien. »

Le ton est donné, mais Jacques Neirynck ne s’en tient pas à ce constat accusateur. Dans la foulée, il décortique les incohérences du fameux système de subsidiarité qui, à l’exception du cinéma, de la Bibliothèque nationale et de quelques musées, déleste la Confédération de toute mission culturelle d’envergure : « La culture est du ressort des cantons », stipule la Constitution. Non sans éreinter la scène artistique suisse – dominée à ses yeux par le cor des Alpes, les créateurs faméliques obscènes, le théâtre amateur, les fanfares et l’origami ! – Jacques Neirynck dresse l’inventaire de l’action des communes, des cantons, de Pro Helvetia, de Présence Suisse, de la Loterie Romande et de la Migros. « Vous ne contrôlez qu’une petite partie d’un vaste domaine, désorganisé selon les règles intangibles du fédéralisme », rappelle-t-il à JeanFrédéric Jauslin.

On imagine mal Pascal Couchepin siéger à pied d’égalité avec des ministres européens se consacrant entièrement à la culture !

David Streiff, ancien directeur de l’OFC, n’est pas non plus emballé par la sacro-sainte subsidiarité : « ...à un poste tel que celui que j’ai occupé, c’est évidemment un handicap, car aucune initiative d’intérêt national, hormis dans le cinéma, ne peut être prise sans que les sensibilités interrégionales et intercantonales ne viennent s’interposer. » (Ciné-Bulletin, avril 2005) Au-delà des obstacles colossaux qu’il voit à la création d’un Département fédéral de la culture, auquel il est favorable en raison du poids politique qu’elle y gagnerait, il place ses espoirs dans l’entrée de la Suisse dans l’Union européenne : « Il faudrait s’adapter aux systèmes des autres pays qui, pour la plupart, disposent tous d’un ministère de la culture dont les ministres se réunissent régulièrement. » On imagine en effet mal Pascal Couchepin siéger à pied d’égalité avec des ministres européens se consacrant entièrement à la culture ! Et inutile de songer à envoyer à Bruxelles des seconds couteaux comme le directeur de l’OFC : ça ne se fait pas ! Reste donc à mettre les bouchées doubles pour que la Suisse entre rapidement dans l’Europe.