Des pas vers une fondation suisse des médias

Numéro 63 – Septembre 2019

par Frédéric Gonseth, cinéaste, président de CultureEnJeu, membre de Media Forti

Avec sa motion, Géraldine Savary ouvre une brèche. Désormais il n’est pas interdit de rêver que se réalise en Suisse une grande alliance contre les dégâts de la numérisation. Aucun des secteurs des médias ne peut faire face seul aux défis de la numérisation, même pas les grands éditeurs Tamedia et Ringier. Si les médias imprimés, les radio-TV, les médias online, le secteur audiovisuel y compris les salles de cinémas, veulent simplement survivre au-delà de 5 à 10 ans, ils doivent se doter d’une politique culturelle, se concevoir comme un service public diversifié, assumer un soutien de la collectivité, car il en va de la survie de la démocratie dans notre pays.

La motion Savary sur les recettes de la 5G, tout comme les efforts pour affecter une partie du surplus (ce qui reste après versement des parts SSR et radio-TV régionales) de la redevance audiovisuelle, montrent que l’argent est là, moyennant de légères interventions législatives. Sous l’impulsion d’Isabelle Chassot, cheffe de l’Office fédéral de la culture, et de Ivo Kummer, chef de la section cinéma, Alain Berset a même confirmé à Locarno que le gouvernement est prêt à mettre en oeuvre de nouvelles mesures envers Netflix et les plateformes de streaming, les fenêtres publicitaires étrangères, etc.

Donc oui, l’argent est là. Ce qui manque ? Un projet concret, facile à concrétiser, impliquant tous les acteurs de la branche, assurant le soutien financier étatique sans que les dirigeants politiques puissent influencer les contenus éditoriaux.

C’est capital. Les récents exemples de Lausanne et d’Yverdon le montrent : quand une commune aide directement un journal (Lausanne-Cités, Le Régional), le public ne peut plus croire à son indépendance. L’aide de la collectivité est devenue indispensable mais elle doit passer par des institutions filtrantes qui devront pouvoir offrir toutes les garanties d’indépendance aux journaux, aux journalistes indépendants, aux sociétés de production audiovisuelles et online qu’elles aideront (sous diverses formes que notre revue a déjà décrites ces dernières années dans le cadre du projet romand « Fijou »). C’est ce que plusieurs associations de la branche médiatique-audiovisuelle suisse, notamment les producteurs de films, appellent de leurs voeux : une « fondation suisse des médias ».

Une telle fondation pourrait combiner des rabais aux abonnés de journaux papier en ciblant les jeunes, les personnes âgées recevant l’aide complémentaire, par exemple par le biais d’un swiss media pass qui leur permettrait de découvrir le journalisme, tout en laissant à chacun le choix du média. D’autres aides sont prévues, comme par exemple le soutien à une plateforme numérique à contenu helvétique capable de résister à la concurrence mondialisée, aux salles de cinéma en fonction de leur programmation, à un Pacte de l’Enquête pour la survie d’un journalisme indépendant.