L’avenir des loteries se joue avec le Tactilo

Numéro 7 – Septembre 2005

Le Tactilo de la Loterie Romande est sous le coup d’un moratoire de la Commission fédérale des maisons de jeu, qui caresse le projet d’interdire ces appareils... pourtant autorisés par les cantons ! Pour l’instant, ses démarches sont bloquées par un recours. Du sort de ce distributeur de loteries électroniques dépend le développement futur des grandes loteries et leur mécénat.

Le bras de fer entre la Confédération et les cantons autour des jeux d’argent se focalise plus que jamais sur les distributeurs de loteries électroniques. Depuis juin 2004, la Loterie Romande n’est plus autorisée à installer de nouveaux Tactilos et doit donc s’en tenir au quota fixé par les cantons romands il y a cinq ans. Ainsi en a décidé la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ) en décrétant un moratoire sur ces appareils, « afin de clarifier la question de savoir si les automates de type Tactilo sont des machines à sous tombant sous le coup des dispositions de la loi sur les maisons de jeu ». Interdits hors des casinos, ils seraient dès lors condamnés. Sachant que les quelque 620 Tactilos déjà implantés dans les cafés et restaurants représentent plus du tiers des bénéfices de la Loterie Romande, les conséquences d’une interdiction seraient catastrophiques pour les multiples associations culturelles, sociales et sportives qui profitent de ses dons.

On assiste donc à un torpillage en règle des grandes loteries

Les Tactilos, qui relèvent jusqu’à nouvel ordre de la loi sur les loteries, sont autorisés par les cantons depuis 1999. Mais quand bien même le Conseil fédéral a donné son aval à la création d’une convention intercantonale habilitée à homologuer les automates de jeu et confié le sort du Tactilo au Tribunal fédéral, la CFMJ snobe les autorités cantonales. Ecartées de l’enquête en cours, elles ont fait appel à la Commission fédérale de recours, qui a gelé la procédure de la CFMJ et se prononcera cet automne. S’ils restent exclus, les cantons pourront encore saisir le Tribunal fédéral. Dans le cas contraire, leur participation à l’enquête de la CFMJ reporterait d’au moins plusieurs mois ses conclusions, annoncées pour début 2006. Une décision sur le fond – le statut du Tactilo ! – interviendra donc au plus tôt en 2007, précisément au moment où le concordat intercantonal doit entrer en vigueur !

La théorie des dominos

Pourquoi, alors que la Convention intercantonale des loteries et paris sera bientôt opérationnelle, attiser de telles batailles juridiques ? En réponse à une intervention parlementaire de Jean Studer appuyée par les conseillers aux États des six cantons romands, le chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) Christoph Blocher a d’ailleurs reconnu que la CFMJ était juge et partie dans cette affaire1. Il faut rappeler que ladite CFMJ délivre les concessions aux casinos, homologue les nouvelles machines à sous et perçoit l’impôt sur les maisons de jeu (316 millions de francs en faveur de l’AVS en 2004). Depuis l’ouverture du marché suisse aux casinos, les loteries cantonales qui redistribuent leur bénéfice à l’utilité publique sont de fait dans la ligne de mire de quelques hauts fonctionnaires et experts du DFJP. Dans ce contexte, les attaques répétées contre le Tactilo ont une autre résonance, d’autant que le PMU romand, les jeux en ligne et le Sporttip de la loterie alémanique SwissLos se retrouvent aussi dans le collimateur fédéral. On assiste donc à un torpillage en règle des grandes loteries.

Le développement des jeux de loteries sur écran, qui remplacent progressivement les billets traditionnels, serait stoppé net par l’interdiction d’appareils comme le Tactilo. « La Loterie Romande perdrait 40 à 50 % de ses bénéfices. Et, à plus long terme, ce serait la dégringolade des loteries publiques. Le Tactilo date de 1999 – du siècle passé ! – et il faut bien voir que le secteur est en pleine évolution, que la grande majorité des jeux recourt aux supports électroniques. Si on supprime ces supports, on supprime de facto les loteries d’utilité publique », résume José Bessard, directeur de la communication de la Loterie Romande.