Théâtre indépendant genevois – Mesdames, Messieurs les politiques, encore un effort
L’année dernière, le Mouvement 804 genevois a contraint le canton à revenir sur sa décision de tailler la moitié du crédit destiné à la création indépendante, notamment au théâtre. Natacha Jaquerod fait le point.
Constitué en 2004 à Genève par des artistes, des professionnels des arts de la scène, des arts plastiques et du domaine musical, le Mouvement 804 poursuit plus que jamais l’acte de résistance qui l’a vu naître. Par la volonté de dialogue avec les partenaires concernés et par une réflexion générale sur la place de la création, la défense des intérêts du théâtre, de la musique, de la danse et des arts plastiques est engagée.
Pétition populaire
La crise qu’a connue le milieu culturel genevois en 2004 avec une coupe de 50 % de la subvention du Département de l’instruction publique de l’État de Genève pour la création dite indépendante – théâtre, danse, musique, arts plastiques – a permis de mettre à jour la précarité des artistes genevois La mobilisation initiée par le Mouvement 804 a été massivement suivie par les artistes, les institutions, les associations culturelles et la population genevoise – comme en témoigne les 21’045 signatures d’une pétition recueillies en cinq semaines.
Lors de l’approbation du budget de 2005 par le Grand Conseil genevois, la subvention de 1,3 million de francs a été rétablie dans son intégralité. Ce combat a favorisé l’émergence d’un dialogue avec les pouvoirs publics sur les questions des conditions d’existence, de création et de la place des artistes à Genève, ville réputée de culture.
Calvin, Voltaire, et après
En ce qui concerne le théâtre à Genève, artistes, acteurs et décideurs culturels sont tous les héritiers d’une histoire difficile. Celui-ci est interdit dès le début du XVIIe siècle jusqu’au violent combat entre Rousseau et Voltaire1, défenseur énergique de cet art qui saura l’imposer au XVIIIe. Sa professionnalisation, très récente dans la cité de Calvin, n’apparaît qu’à l’aube du XXe siècle. L’art dramatique est encore dans l’âge de la construction. Profitons-en ! La situation du théâtre indépendant, qui s’est complexifiée au fil des ans, ne se résume pas facilement. La qualité des conditions de travail et de production varie selon les compagnies, les corps de métier et les parcours des individus. Dans l’ensemble, on constate une péjoration. Le manque d’argent est devenu monnaie courante dans l’exercice de ces professions.
Priorité à la continuité
Le Mouvement 804 s’attèle à faire un état des lieux des moyens et des outils à disposition, de même que des besoins de la profession, plaçant l’art au centre de ses réflexions, afin d’en améliorer les conditions et de promouvoir la création. Des modèles de budgets de productions théâtrales, tenant compte des critères essentiels, ont été établis à cet effet. Ceux-ci, bien que modestes, correspondent rarement aux coûts réels, nettement inférieurs, des productions actuelles.
La subvention de 1,3 million de francs a été rétablie dans son intégralité
Dans le cadre de la concertation constructive engagée avec Monsieur Charles Beer, président du Département de l’instruction publique, le Mouvement 804 souligne l’importance de favoriser la continuité du travail des compagnies par l’établissement de contrats de confiance supplémentaires (soutien financier aux compagnies pour une période renouvelable de trois ans). La discussion porte également sur la réévaluation du montant de la subvention qui, réduite en 2004, n’a pas été augmentée depuis une dizaine d’années. Il s’agit aussi de mettre l’accent sur la formation et la transmission des savoirs, afin de ne pas perdre les acquis obtenus par les luttes des générations précédentes.
Les routes de la culture
Au début de l’année, le Mouvement 804 a également été reçu par Monsieur Patrice Mugny, conseiller administratif en charge du Département des affaires culturelles de la Ville de Genève, instance qui joue le premier rôle en matière de culture, et avec laquelle le Mouvement 804 a amorcé de manière très positive un dialogue sur les priorités et les objectifs de la profession. Par ailleurs, il faut relever qu’en 2005, la Ville a augmenté la subvention allouée au théâtre indépendant pour des projets ponctuels. Le montant actuel est de 1,3 million de francs.
Cependant, les crédits pour la culture ne sont jamais à l’abri de coupes. Le Mouvement 804 s’engage à être attentif, en ces temps moroses de restrictions budgétaires, à ce que de nouvelles mesures ne mettent pas en péril le creuset de la création. L’homme de théâtre Charles Apothéloz, s’adressant aux autorités subventionnantes en 1955, écrivait : « La Suisse réadapte son réseau routier, son équipement hydro-électrique, ses programmes scolaires aux nécessités nouvelles. Il doit en aller de même pour le théâtre. C’est à nous de le faire vivre, mais il vous appartient de nous en donner les moyens. »