Confédération : quelle place pour la Culture ?

Numéro 25 – Mars 2010

La Suisse est un pays qui se targue de sa diversité culturelle et de sa capacité à faire vivre ensemble quatre régions linguistiques. Quelle place le gouvernement fédéral octroie-t-il à cette réalité et quelle est sa volonté d’en faire une richesse reconnue et féconde ?

Il est intéressant à cet égard de regarder de plus près la place qu’occupe la culture dans la politique fédérale. La révision de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 a introduit pour la première fois un article sur la culture, et un article sur les langues. Onze ans plus tard, la Loi sur les langues a été acceptée par les Chambres, en décembre 2007, mais n’est pas encore en application, et la Loi sur l’encouragement de la culture a vu le jour lors de la dernière session en décembre 2009. Cette loi ne révolutionne pas l’engagement culturel de l’État fédéral ; c’est une « mise en musique » timide et minimaliste du mandat constitutionnel, révélatrice du peu de vision qu’a voulu donner à cette mission de l’État le ministre de tutelle sous lequel elle a été élaborée, M. Pascal Couchepin. Pour lui, comme pour beaucoup de parlementaires fédéraux, la culture ne doit pas dépendre de l’argent public, exception faite éventuellement du cinéma et de quelques musées… Le Musée Gianadda dans sa bonne ville de Martigny montre d’ailleurs l’exemple par son succès hors subventionnement !

La mise sous toit de la loi fédérale d’encouragement de la culture est cependant à saluer ; un tel résultat n’aurait pas pu être atteint si les milieux culturels n’avaient pas présenté un front uni face au Parlement ; le travail accomplit dans cette perspective par Suisse Culture a été déterminant. La loi n’est pas parfaite, loin s’en faut, mais elle a le mérite d’exister, et d’offrir un premier outil adéquat pour fédérer les efforts autour de la culture ; elle franchit un pas décisif en inscrivant tous les quatre ans à l’agenda politique la discussion budgétaire pour le plan de financement des projets culturels soutenus par la Confédération. Elle fixe une répartition claire des tâches entre l’Office fédéral de la Culture et la Fondation Pro Helvetia, essentiellement responsable de la promotion de la relève et des activités de promotion de la culture suisse à l’étranger.

Le gouvernement laisse entendre que le souhait du Parlement, maintes fois répété, d’un département formation, pourrait bientôt voir le jour. Dans cette perspective réjouissante, il sera intéressant d’observer où le gouvernement placera l’Office fédéral de la Culture.

Promouvoir une vision globale de la formation de l’être humain comprenant :

  • la formation, de l’école obligatoire à la formation continue, en passant par la formation professionnelle, les hautes écoles, EPF, UNI et HES, sans oublier la recherche ;
  • l’éducation dès la prime enfance par les activités préscolaires et parascolaires ;
  • l’égalité entre les femmes et les hommes, l’intégration des migrantes et migrants venus chez nous porteurs d’autres cultures ;
  • les activités culturelles et sportives exercées par la population ;
  • la promotion de la diversité culturelle de notre pays et de ses différentes régions linguistiques ;
  • la culture et l’art sous toutes leurs formes ;

est un enjeu qui me tient à cœur. Dans cette perspective, je déposerai une interpella­tion lors de la session de printemps des Cham­bres fédérales pour inciter le gouvernement à concevoir un département qui englobe tous ces aspects de la formation.

Actuellement, en compagnie de l’Office fédéral de la Culture, le Secrétariat d’État responsable de la recherche et des hautes écoles est perdu dans le département mammouth de l’Intérieur, qui chapeaute aussi la santé et les assurances sociales. De son côté, le dé­partement de l’économie, qui gère aussi le dossier agricole, traite la formation professionnelle et les Hautes écoles spécialisées HES (ingénierie, gestion, santé, social, art et design, musique).

La création d’un département dévolu exclusivement à la formation, qui engloberait une vision plus large de l’éducation humaine, serait le gage d’une réflexion plus prospective vers une société des savoirs, savoir-faire, savoir-être, savoir partager : n’est-ce pas là l’essence même de la culture au sens le plus noble du terme ?

Je vois dans cette conception une garantie que formation, échanges culturels, culture, créations artistiques – ces activités humaines si importantes et précieuses – ne soient pas assujetties à l’économie, aux finances, ou perdues dans les assurances sociales et la santé comme activités annexes, donc nécessairement mineures.

Dans nos sociétés post-industrielles, la formation doit assurer un développement de la population beaucoup plus large que jusqu’au tournant du siècle passé. Les nouveaux enjeux de la formation, de formation continue, la nécessité de passerelles entre les différents systèmes d’équivalences internationales, la mutation en profondeur des sociétés humaines et la recherche de valeurs forcent à des réflexions nouvelles. Un département dédié entièrement à cet enjeu majeur de la formation de l’être humain dans sa globalité sera un gage de dynamisme pour l’avenir du pays.