« J’aime être celui qui ne produit pas de son »

Le chef d’orchestre Hervé Klopfenstein prend sa retraite de la Fondation culturelle de l’HEMU. L’occasion de revenir sur le parcours de ce musicien visionnaire et parfois controversé, qui fourmille de projets.
Natacha Rossel, journaliste culturelle



Numéro 109 / Eté 2024

Résilience


 

Édito

Un douloureux apprentissage

Réactivité, aussi bien des acteur· rice·s culturelles que des collectivités publiques chargées de leur encouragement. Créativité. Capacité à se fédérer. Tels sont les éléments communément mis en avant par les observateur·rice·s au moment de réfléchir à ce qui a bien fonctionné durant la crise de Covid-19. Précarité des artistes, inadéquation des outils de soutien : voilà les principales faiblesses du monde culturel mises en lumière par la pandémie. Quant aux pistes qui méritent d’être explorées afin de doper la résilience de la culture romande, elles concernent entre autres la numérisation, ainsi que l’ouverture à de nouveaux modèles.

Après avoir dressé, dans son édition de mai-juin 2024, un état des lieux des conséquences de la crise pandémique sur le tissu culturel romand et suisse, CultureEnJeu passe à l’analyse. Pourquoi est-ce que de nombreux·euses artistes et institutions se sont pris une claque ? Quelles sont, à l’inverse, les forces internes et les coups de pouce externes qui leur ont permis de limiter la casse, voire, dans certains cas, de sortir grandi·e·s de cette période douloureuse ? 

Et surtout : que peut-on en apprendre ?

L’une de nos interlocutrices a comparé la crise à un accouchement : oui c’était douloureux, mais une fois que c’est derrière, il faut bien se relever et continuer à avancer, revenir à nos missions ou s’en inventer de nouvelles, reprendre la vie normale. « Reprise ». C’est ce qui a été dit, c’est ce qui a été fait. Même en été, artistes et organisateur·rice·s sont joyeusement sur le pont : pas un jour sans théâtre, sans exposition, sans danse ou sans musique, sans rencontre dans un parc, au bord du lac, sous un abribus, dans la fraîcheur d’une salle ou d’une église. Réfléchir est nécessaire. Essentiel pour pouvoir au mieux affirmer sa qualité… d’« essentiel ». Faire exister la culture au jour le jour en continuant de l’imaginer et de partager l’est également. C’est cette vocation qui guide L’Agenda : dénicher celles et ceux qui créent pour partager avec vous, chères lectrices, chers lecteurs, leurs univers utopiques.

Bonne lecture tête-bêche !

Patricia Michaud, rédactrice en chef de CultureEnJeu
Katia Meylan, rédactrice en chef de l’Agenda


Autres articles du numéro 109 en accès libre

Véritable stress test, la crise pandémique a mis le doigt sur les forces et faiblesses des milieux culturels romands. Non sans réserver quelques surprises. Trois spécialistes analysent ce qui a bien et moins bien fonctionné.

Patricia Michaud, journaliste

Cet article a été réalisé avec le soutien de JournaFONDS

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Entre sauvetage et nouvelles opportunités

Soucieux d’aider les entreprises culturelles mises à mal par la pandémie à opérer une réorientation structurelle ou à (re)conquérir les publics, Confédération et cantons ont investi massivement dans des projets dits de transformation. Bilan de l’opération dans quatre cantons romands, à travers quatre projets soutenus.

Elvire Akhundov et Marie Butty, rédactrices

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Post Covid

Animal triste

La crise Covid-19 a sinistrement transformé la scène romande. Les distributions minimales et les solos y prolifèrent au détriment des fortes équipes de création. Les fictions et grands récits disparaissent, supplantés par les monstrations d’actions. Pourquoi nos « arts de la scène » en sont-ils là ?

Joël Aguet, historien du théâtre

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Un idéalisme conditionnel

Les enjeux que rencontrent les différents secteurs culturels ne datent pas d’hier et n’ont pas pris fin en même temps que la crise sanitaire. Selon les cas, la pandémie a été un accélérateur, un frein, ou carrément un ravin. Tour d’horizon avec cinq personnalité issues de cinq secteurs.

Katia Meylan, journaliste culture

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Quand la littérature inspire le droit

Décrire un procès, raconter un crime ou dénoncer les manquements d’une procédure : droit et littérature ne cessent de dialoguer. Le nouveau Laboratoire de droit et littérature de l’UNIL explore les synergies entre ces deux disciplines.

Ylenia Dalla Palma, rédactrice

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Nouveau cheval de bataille public

Face à la multiplication des études chiffrant la précarité des acteur·rice·s culturel·le·s, les pouvoirs publics se fédèrent et élaborent des catalogues stratégiques. Les deux derniers en date : ceux du Dialogue culturel national et de l’Assemblée plénière Culture.

Patricia Michaud, journaliste

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LA CULTURE EN JEU

Film noir pour le cinéma suisse

Frédéric Gonseth, cinéaste et président de l’association CultureEnJeu

Tout avait l’air de bien se passer pour le cinéma suisse. Depuis un demi-siècle, il était soutenu par la Confédération et depuis plus de trente ans, par la télévision. Plus récemment, il avait été épaulé par des aides régionales, notamment Cinéforom. Mais le grand public le boude un peu. Il préfère de plus en plus les séries, même les séries suisses, plus confortables à consommer, sans savoir bien sûr qu’elles sont… beaucoup plus difficiles à financer.

Les cinéastes sont donc de plus en plus poussé·e·s à réaliser des productions « audiovisuelles », diffusées en priorité par la télévision et les plateformes. L’ennui c’est que, si le cinéma est soutenu par les pouvoirs publics, les œuvres « audiovisuelles » ne le sont pas par la Confédération. Ce qui est un grave handicap, car le marché suisse est bien trop exigu et bien trop morcelé pour attirer les capitaux privés qui devraient financer ces productions privées….

Les cinéastes sont écartelé·e·s entre, d’un côté, les politicien·ne·s qui les encouragent à s’adapter aux nouvelles habitudes du public suisse et, de l’autre, un financement qui suit une tendance exactement inverse. Une nouvelle offensive populiste contre la redevance audiovisuelle vient même encore restreindre les moyens que la SSR peut accorder aux coproductions avec les indépendants. La marge créative se rabougrit, les équipes et les comédien·ne·s supportent de plus en plus mal les conditions de tournage trop intenses. Ce n’est pas l’apport marginal des 4 % d’investissement obligatoire imposé aux plateformes, conquis de haute lutte en votation, qui va permettre d’inverser la tendance.

 

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Cerise amère sur le gâteau : les cinéastes vont devoir mener le combat pour maintenir la redevance de la SSR, tout en sachant que la SSR va devoir sabrer dans ses propres effectifs, donc réduire également les montants des coproductions. Une SSR qui va donc se faire mal et qui va devoir maltraiter ses allié·e·s indépendant·e·s, une SSR qui en outre n’a pas le droit de militer pour sa propre cause : a-t-elle encore une chance de s’en sortir ?

Les cinéastes et les employé·e·s de la TV ne sont pas seul·e·s face à la numérisation des habitudes du public. Tous les médias suisses sont en train de se faire laminer par les plateformes mondiales qui siphonnent leurs ressources publicitaires. Il vaut donc mieux inventer un traitement qui soigne les maux de tou·te·s simultanément. Créer ensemble une fondation suisse des médias, qu’il s’agira ensuite de faire financer par la redevance, complétée par les impôts ou la TVA, tout en restant uniquement gérée par la branche en totale indépendance de l’État.

Grâce à une telle fondation, on pourrait constituer un front qui va des éditeur·rice·s et des journalistes de presse aux cinéastes, en passant par les employé·e·s de la télévision. En rassemblant les forces de tous ces métiers, elle permettrait d’emporter une majorité au Parlement et ensuite en votation populaire.


 

propos de l’association CultureEnJeu

L’éditeur de la revue CultureEnJeu est une association éponyme. Sa vocation : encourager la coalition de créateur·rice·s culturel·le·s – individualistes par définition – à devenir un collectif agissant à l’échelle romande. Pas facile de regrouper ces domaines si différents que sont les arts de la scène, les arts visuels, audiovisuels, descendant des vallées ou montant dans des villes, pour défendre l’entité culturelle romande, qui a de la peine à se revendiquer comme telle, mais qui, comme toute petite minorité, doit régulièrement réaffirmer qu’elle a droit à l’existence face aux Goliath culturels français, européens, américains, ou même face à une majorité qui, dans cette confédération, cultive une toute autre culture dans une toute autre langue. Depuis plus de vingt ans, l’association Culture EnJeu fait office de citerne à pensées (think tank). Il lui arrive parfois de sortir de son hibernation pour lancer des actions tonitruantes (comme l’initiative populaire qui a inscrit les loteries de service public dans la Constitution fédérale).

Acteur·rice·s culturel·le·s ou fans de la culture, arrivant·e·s ou ancien·ne·s, joignez-vous à nous : info@cultureenjeu.ch


 

La playlist

2020, année confinée. Une fois ou plusieurs, pour un mois ou pour trois, avec souplesse ou rigueur, partout sur la planète, on découvre le monde à l’arrêt et on met soi-même ses activités en pause. Dans la culture peut-être plus qu’ailleurs encore, à l’heure des travailleur·euse·s essentiel·le·s. Sans concerts ni festivals, les musicien·ne·s se trouvent au chômage technique, en Suisse comme ailleurs. Et souvent, en danger. La parenthèse enchantée dévolue à créer n’est pour beaucoup qu’un mirage, tant il faut avant tout subsister. Pour rêver, seulement, d’un futur. La bande-son post-Covid s’en trouve contrastée.
 
Des plus célèbres aux plus humbles, on change la façon de donner un concert. Nick Cave, seul au piano dans l’imposant Alexandra Palace, Low en direct chaque vendredi soir sur Instagram, Hemlock Smith devant sa webcam pour un festival virtuel, Sara Oswald dans votre ordinateur, avant qu’elle retrouve votre salon. Et si Mogwai sort une pépite d’un tiroir pour récolter des fonds pour le système de santé écossais, Dominique A, lui, dégaine un EP inédit, composé durant la pandémie, tandis que Bonnie ‘Prince’ Billy et Bill Callahan se lancent dans des reprises à distance. La pandémie, jusqu’à changer de vie pour Estelle Revaz, qui devient porte-voix de la scène romande puis conseillère nationale. Ou perdre la vie pour Christophe, qui rappelle qu’avant tout, le Covid tue et que c’est pour ça que le monde s’est confiné suivante.
 
Par Christophe Schenk, journaliste à la RTS
 


Du côté de L’Agenda

Anciens Numéros disponibles en version pdf ici



 

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