Visarte Vaud : la somme des particularismes

Numéro 10 – Juin 2006

Dans le canton de Vaud, l’association Visarte regroupe en son sein quelque 200 artistes visuels, c’est-à-dire une véritable biodiversité, voire une multitude d’expressions qui se distinguent soigneusement les unes des autres. Acteur de la scène culturelle locale, Visarte défend et promeut ce riche patrimoine.

Visarte, voilà une « nouvelle étiquette » qui a au moins le mérite de rappeler que la création en arts visuels aujourd’hui n’est pas l’apanage des seuls peintres, sculpteurs, architectes, qui fondèrent précisément la Société des peintres sculpteurs architectes suisses (SPSAS), il y a bientôt cent cinquante ans. Près de 200 artistes sont regroupés sous la même bannière, celle de Visarte Vaud donc, phénix ressuscité sur les cendres de feu la SPSAS. Est-ce bien raisonnable ?

Non, s’il s’agit de voir là une quelconque garnison prête à envahir de façon orchestrée les grands boulevards de l’art… Certainement pas, s’il s’agit de promouvoir un certain type d’expression plutôt qu’un autre – pour cela, Pro Helvetia fait parfaitement l’affaire ! Non plus si, fidèle à de très honorables idéaux, on considère définitive-ment que « le pluriel ne vaut rien à l’homme »…

Un métier en commun

Mais, précisément, ces 200 membres sont une somme d’absolus particularismes. Autant d’individualités aux yeux desquelles sans doute, rien n’a guère d’intérêt hormis leur propre travail, promptes à penser que contrairement à l’adage, l’herbe n’est pas plus verte dans le pré d’à côté, mais bien dans le leur !
L’herbe n’est pas plus verte dans le pré d’à côté
Ces multiples expressions ne se reconnaissent donc pas entre elles – elles se donnent d’ailleurs assez de mal pour se distinguer farouchement les unes des autres – mais elles ont pourtant en commun une forme de métier, et c’est sans doute dans sa pratique obstinée que les apparentements se développent et que l’esprit de la société se forge.

En amont donc des collectifs militants, des solistes flamboyants et des « snippers » obstinés, une fois le « casting » dressé, sinon le décor planté… J’ai envie de dire que oui, cela trouve tout son sens que de se regrouper, sinon se fédérer.

Acteur de la scène locale

Quand bien même, à bien des égards, les véritables difficultés se profilent précisément au moment où cette machine s’ébroue… En effet, sur la foi de sa masse peut-être, mais de sa « biodiversité » sûrement, Visarte Vaud développe un programme d’activités qui en fait un acteur important de la scène culturelle locale.

Visarte organise plusieurs expositions annuelles, à l’espace Arlaud à Lausanne notamment, ainsi qu’au rez du Palais de Rumine, grâce au généreux soutien de l’État de Vaud qui nous met ces lieux à disposition, ou encore différents « espaces d’une sculpture » répartis en plusieurs sites urbains, que ce soit à Yverdon-les-Bains, Nyon ou Lausanne.

De plus, l’association propose des publications régulières (une par année depuis trois ans), centrées à chaque fois sur des thématiques spécifiques, et ouvertes tant à des artistes visuels qu’à des gens de lettres. Elles sont le lieu de créations toutes particulières, à la mesure de l’intimisme que le support papier et, singulièrement, celui du livre proposent.

Enfin, Visarte chapeaute des événements « hors les murs » – sinon hors pistes – tels que la grande exposition tenue l’automne dernier dans d’anciennes halles de l’EPFL à Lausanne (selon un principe proche de celui des Weihnachtsaustellungen) ou encore pour cette année, une invasion des espaces habituellement réservés au monde de la publicité (un projet qui se concrétisera à l’automne 2006), sans oublier la triennale du Musée de Pully dont une édition verra le jour en 2007.

Énergie considérable

Ce cortège de productions requiert une énergie assez considérable, fournie par un comité – j’allais écrire « quelques hurluberlus » – d’accord pour un temps de s’investir dans le but avoué et affirmé de valoriser le patrimoine de Visarte… C’est-à-dire son absence de profil, sûrement, mais surtout la diversité des champs d’expression qui la composent, la vitalité de tous ceux qui, dans des horizons qui ne se confondent pas, sont prêts à donner beaucoup pour poursuivre dans ce qu’ils ressentent comme une nécessité : leur travail.

Donner… Nous sommes riches du temps, celui que l’artiste se met à disposition, on peut dire qu’au sens propre l’artiste prend son temps ! Un matériau dont on sait la rareté, le caractère précieux, un matériau qui permet d’échafauder moult rêves, souvent de les concrétiser dès lors que de bienveillantes institutions nous soutiennent au moment où cette matière première ne suffit plus, et qu’un peu de « matière seconde » (des espèces sonnantes et trébuchantes) nous est nécessaire.

Je veux croire que c’est la fidélité à nos engagements qui nous vaut le respect et la confiance renouvelée de ceux que nous appelons pudiquement nos partenaires privilégiés et sans lesquels nombre de nos projets en resteraient au stade du château en Espagne, alors qu’en même temps que d’autres nous rêvons de Musée à la plage !