On voulait changer le monde…

Numéro 18 – Juin 2008

Article paru dans Le Temps 15.04.08

«Si mai 68 a été porteur de presque toutes ces aspirations [de libération et d’émancipation] et, à ce titre, est devenu le point de référence pour décrire le Zeitgeist de l’époque, il n’en reste pas moins que d’autres mouvements ont émergé sous d’autres formes mais avec les mêmes revendications fondamentales (Printemps de Prague, contre-culture aux USA, mouvement hippies, mouvement pour les droits civiques aux USA, tiers-mondisme).

On voulait changer le monde, changer la vie, changer la société, vivre libre et sans contraintes, bref casser toutes les valeurs bourgeoises qui avaient amené à la Deuxième Guerre mondiale, à la Shoah et à la consommation à outrance.

La culture appartient au tiers-monde auquel on ne consent des aumônes que par seul souci de soulager sa conscience. (Jacques Neirynck)

L’extrême diversité qui composait ces mouvements et la jeunesse ou l’inexpérience des leaders ont fait que la réalité c’est retournée contre les idéaux portés par cette période. En s’appuyant sur l’idée erronée que le goût de la liberté serait inné chez l’être humain, les mouvements de 68 ont rejeté les valeurs de transmission du savoir (valeurs bourgeoises et aliénantes) au profit de l’épanouissement personnel. On a voulu libérer les gens en leur refusant, pour des raisons idéologiques, l’accès aux outils intellectuels qui leur auraient permis d’assumer intelligemment cette liberté nouvelle. Dans ce sens, ce mouvement est responsable de pas mal de problèmes de société que nous vivons à l’heure actuelle, conséquences directes de choix politiques et sociétaux faits à cette époque. Nous payons aujourd’hui pour les contradictions que la génération 68 n’a pas voulu résoudre par paresse intellectuelle et aveuglement idéologique.»