Édito n°30, juin 2011 – Former, mais pour construire quelle société ?

Numéro 30 – Juin 2011

Le dossier de ce numéro est dédié à la formation à un moment où, en Europe comme aux États-Unis, on coupe les crédits à la culture. À un moment où l’État et le marché préfèrent couler dans des moules les personnes pour un meilleur rendement ou pour une plus grande visibilité plutôt que de former une population d’élèves et d’étudiants à un esprit critique créateur d’un véritable développement de la personnalité et du sens de la responsabilité civique. Le système éducatif général a tendance à fabriquer de plus en plus des consommateurs plutôt que des citoyens, parce qu’il a perdu peut-être le sens d’une vision de société en devenir ou, plus probablement, au contraire, parce que la seule vision de société qui l’intéresse est celle basée sur le profit aujourd’hui et tout de suite. Ce système remplit des cases pour faire tourner une machine globale, une machine pleine de ratés dont il serait urgent d’en réfléchir les causes avant de continuer à l’alimenter.

Ce n’est pas une vision globale qui est mise en cause, car il y a des valeurs universelles qui peuvent être proposées à la planète entière, mais un marketing planétaire visant un rendement maximum – aussi bien dans l’éducation que dans la santé, la politique, l’économie ou la finance – qui ne tient pas compte des dégâts collatéraux qu’il provoque à moyen et à long terme. Nous ne sommes pas les propriétaires de notre planète, nous en sommes les jardiniers, mais pour combien de temps encore ? Il est urgent de former des jardiniers, pas des propriétaires / consommateurs. Former pour émanciper. Et si un certain formatage est inévitable et nécessaire, que cela ne soit pas un formatage destiné avant tout à asservir.

« Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayer l’ignorance. » (Citation attribuée à Abraham Lincoln, reprise par Albert Einstein, puis par Derek Curtis Bok, président d’Harvard)

Pour débattre sur la formation, nous avons réuni pour vous neuf intervenants venant d’horizons divers, et préoccupés par les déviations et les carences de nos systèmes d’enseignement. Trois ingénieurs dont Libero Zuppiroli, ancien professeur des Écoles Polytechniques de Paris et de Lausanne-EPFL, Jean-David Picon, collaborateur scientifique aux Écoles Polytechniques Fédérales de Lausanne et de Zürich, et Pierre-Henri Morin, doctorant à l’EPFL. Marco Polli, qui a été pendant vingt ans président de l’Union du Corps Enseignant Secondaire Genevois. Vincent Arlettaz, rédacteur en chef de la Revue Musicale de Suisse Romande, enseignant de l’histoire de la musique et coordinateur de recherche dans le cadre des Hautes Écoles de Musique de Genève et de Lausanne. Isabelle Guignard et Daniel Bugmann, enseignants en Arts Visuels à Pully et à Rolle. Enfin, Jean-Claude Métraux, pédopsychiatre, chargé de cours à l’Université de Lausanne, Faculté de Sciences sociales et politiques, et Anne Cuneo, écrivain, journaliste et cinéaste.

Et si vous souhaitez prolonger les réflexions contenues dans ce dossier, nous vous suggérons deux ouvrages pertinents sur le sujet : La Bulle universitaire, par Libero Zuppiroli, Éditions d’en bas 2010, 156 pages, et Enquête sur la formation des élites, par François Garçon, Éditions Perrin 2011, 432 pages.

Bonne lecture !