Pour des jeux d’argent au service de la communauté

Numéro 58 – Avril 2018

La loi sur les jeux d’argent a été adoptée par le Parlement le 29 septembre 2017. Le référendum lancé par les sections jeunes de plusieurs partis ayant abouti, elle sera soumise à la votation populaire le 10 juin 2018. Le Directeur général de la Loterie Romande, Jean-Luc Moner-Banet, nous livre son point de vue.

Brièvement, quel est l'enjeu principal de la loi?

La loi doit mettre en œuvre l’article 106 de la Constitution, accepté par le peuple et les cantons à une large majorité en 2012, par 87% des voix. Elle doit ainsi garantir que les bénéfices provenant des loteries continueront d’être destinés exclusivement aux organes de répartition des cantons, pour le soutien de projets sociaux, culturels et sportifs, de même que les impôts versés par les maisons de jeu contribueront au financement de l’AVS. La loi respecte cette exigence fondamentale. Elle permet de pérenniser le système éprouvé d’offre de jeux d’argent contrôlés et socialement responsables, dont les bénéfices – environ un milliard de francs par an – revêtent un caractère essentiel et indispensable au soutien des projets d’utilité publique

Quels autres arguments plaident en faveur du OUI, le 10 juin prochain ?

Les arguments qui plaident en faveur de la loi sont nombreux. D’une part, celle-ci a été élaborée en collaboration avec tous les acteurs concernés. Elle résulte ainsi d’un consensus entre les opérateurs de jeux, casinos et loteries, les services compétents des cantons et de la Confédération et les représentants de la lutte contre les addictions. À bien des égards, le texte de loi peut être perçu comme un compromis typiquement suisse, pour le plus grand bénéfice de la communauté. La loi adoptée par le Parlement permet en effet d’instaurer l’équilibre indispensable entre, d’une part, la protection des joueurs contre le jeu excessif et, d’autre part, la nécessité de garantir une offre légale qui soit attractive afin de générer des bénéfices pour les projets d’utilité publique

Pouvez-vous nous citer les avantages concrets que propose la loi?

Je citerai au moins trois raisons d’accepter la loi. Premièrement, celle-ci renforce la protection de la population contre les dangers liés aux jeux d’argent tels que la fraude, le blanchiment ou la dépendance. Ensuite, elle assure que les bénéfices des jeux d’argent soient bien affectés à des buts d’utilité publique en prévoyant des mesures de lutte contre les offres illégales qui ne disposent pas d’autorisation en Suisse. Enfin, tout en renforçant la protection de la population, elle permet le développement d’une offre à la fois moderne et dynamique, qui pourra générer des bénéfices supplémentaires qui profiteront à la communauté en Suisse au lieu de partir vers des actionnaires privés à l’étranger.

Les référendaires, soit les opposants à la loi, se focalisent sur les mesures de blocage des sites illégaux. Ces mesures sont-elles vraiment nécessaires ?
Oui, il est indispensable d’introduire le blocage de l’accès aux offres illégales de jeux en ligne pour garantir l’atteinte des objectifs de l’article 106 de la Constitution. Les exploitants opérant à partir de territoires offshore, notamment de Malte ou de Gibraltar, ne disposent pas d’autorisation en Suisse, ne garantissent aucune mesure de prévention contre le jeu excessif et présentent des risques avérés de fraudes ou de blanchiment. De plus, cette offre illégale détourne des sommes d’argent considérables, soit plus de 260 millions de francs selon les estimations, ceci au détriment de l’utilité publique en Suisse pour alimenter des fortunes privées à l’étranger, voire des réseaux mafieux

Que répondez-vous à ceux qui parlent de censure d’Internet ?
La réponse est simple : Internet est certes un espace de liberté, mais il ne doit pas être une zone de non-droit. Il n’est absolument pas question de bloquer l’accès à des sites commerciaux ou de restreindre la liberté d’information. Il s’agit en substance d’introduire un système de « listes noires » d’offres de jeux diffusées depuis l’étranger et proposées en Suisse sans autorisation. Les utilisateurs cherchant à y accéder seront déviés vers un dispositif d’information. Cette solution a été choisie parce qu’il est indispensable de réguler ce secteur particulier. Les jeux d’argent, en effet, ne relèvent pas du commerce ordinaire, car ils portent en eux des dangers liés à la dépendance, à la fraude ou au blanchiment ; c’est pourquoi ils sont réglementés et soumis à des conditions strictes pratiquement dans le monde entier. Les exemples de plusieurs pays en Europe comme la France, la Belgique et l’Italie, qui ont réussi à restreindre consi dérablement le jeu illégal sur Internet grâce à de telles mesures, démontrent leur pertinence et leur efficacité.

La protection de la population est-elle suffisamment prise en compte dans la loi ?
Les dispositions votées par le Parlement figurent parmi les plus strictes en Europe. Les mesures prévues assurent une prévention efficace du jeu excessif, en particulier vis-à-vis des mineurs et des populations vulnérables. Cette nouvelle réglementation, à la fois souple et adaptée aux facteurs de risques, permet de tenir compte des spécificités des jeux et de leur mode d’exploitation. La taxe sur la dépendance au jeu perçue par les cantons auprès des sociétés de loterie garantit par ailleurs le financement des mesures prévues par la loi. Il faut aussi avoir à l’esprit que des restrictions supplémentaires ne feraient que réduire la compétitivité des offres de jeux légales, strictement contrôlées, et favoriseraient tant les offres illégales, qui présentent des risques bien réels en termes de criminalité et de dépendance, que celles des pays voisins, soumises à nettement moins de contraintes.