« Quelle politique culturelle en Valais en matière de création théâtrale professionnelle ? »

Numéro 8_9 – Janvier 2006

Compte rendu de lecture du mémoire de Corinne Arter

Comédienne et directrice depuis quinze ans de l’École de théâtre de Martigny, Corinne Arter s’est chargée par cet intéressant travail de comprendre et de présenter l’état actuel, dans son canton, de la culture en général et du théâtre en particulier. Partant des textes de loi existants, tant aux niveaux fédéral que cantonal, elle souligne que la loi valaisanne sur la promotion culturelle, datant seulement de 1996, porte une attention particulière à la production culturelle régionale. Même si ce n’est pas là principalement son propos, l’un des intérêts de cette étude est de faire apparaître que le souci de développer un théâtre de production appartient depuis quelques années aux cantons plus qu’aux villes elles-mêmes, davantage soucieuses de consommation culturelle tous azimuts.

Dans une partie historique rapide, la signataire de l’étude rappelle la longue tradition de théâtre populaire en Valais, puis la difficile époque des premières tentatives d’implantation de professionnels dans ce canton au cours des années 1970. Elle présente ensuite la situation présente, qu’elle connaît notamment comme enseignante et directrice de compagnie. Elle met en évidence la méritoire croissance du soutien cantonal valaisan aux arts de la scène au cours des ces dix dernières années, et relève que Fribourg fait encore mieux ; ces deux cantons catholiques tendent donc à rattraper un long retard sur les cantons protestants qui, durant cette période, sont quasiment stables (Genève) ou en régression (Vaud, Neuchâtel), même si leur implication culturelle demeure encore en chiffres absolus bien supérieure. Elle tente une forme de décorticage de l’organisation du subventionnement en Suisse romande pour y situer celui du Valais où les choses continuent de s’améliorer : une commission du Conseil de la culture, créé en 2003, y travaille même à un projet de charte culturelle.

Depuis quelques années, le souci de développer un théâtre de production appartient aux cantons plus qu’aux villes, davantage soucieuses de consommation culturelle tous azimuts

Elle examine aussi la situation cantonale valaisanne à partir d’autres cantons romands, mais elle maîtrise moins les diverses situations. Si elle relève que près de la moitié du soutien culturel cantonal fribourgeois va au théâtre, elle l’explique en supposant « certainement que les études liées à la construction des deux nouvelles salles prévues ne sont pas étrangères à cet état de fait ». Ce n’est évidemment pas en prévision d’une grande salle d’accueil à Fribourg et de celle plus modeste à Villars-sur-Glâne que l’État de Fribourg s’est fortement impliqué en faveur du théâtre depuis la fin de 2002 déjà : les instances cantonales sont préoccupées par l’emploi et soutiennent logiquement la production régionale plutôt que des spectacles de passage. La montée en puissance du soutien cantonal fribourgeois résulte en fait du combat mené depuis plus de vingt ans par le Théâtre des Osses, reconnu et correctement subventionné par son canton depuis une demi douzaine d’années, ce qui a permis à cette structure d’adopter le sigle de Centre dramatique fribourgeois.

De même, le canton de Genève ne contribue pas à l’institution lyrique assumée par la Ville de Genève, ce qui d’ailleurs fait débat. Ce canton subventionne en revanche de façon majoritaire la plus grande scène théâtrale du canton : le Théâtre de Carouge-Atelier de Genève. Les situations des deux cantons de Genève et de Fribourg mises en parallèle suggèrent (mais celui de Neuchâtel n’en prend hélas pas le chemin) une implication cohérente de certaines instances cantonales en ce qui concerne les structures de production à même d’assurer un suivi pédagogique et un développement artistique à long terme.

Est-ce parce que l’organisation des théâtres est trop différente dans la partie alémanique du pays que celle-ci n’est pas évoquée dans le travail de Corinne Arter ? Il est vrai qu’entretenir une troupe attachée à une grande scène demande un investissement public marqué et même si ce genre de production s’avère plus rentable à l’exploitation, il peut être envisagé dans des bassins de population importants que ne possède pas le Valais.

Les villes ne sont en revanche pas oubliées dans son examen, car les plus grandes d’entre elles restent d’importantes pourvoyeuses de subventions. Cinq communes valaisannes sont examinées du point de vue de leur implication culturelle (Sion, Monthey, Sierre, Martigny, Brigue), puis l’activité de quatorze salles de théâtre professionnel en Valais, fonctionnant sur des budgets de 800’000 francs pour les plus importantes à 30’000 francs pour les plus modestes. A l’exception de deux structures sédunoises récentes, il s’agit de lieux d’accueil.

En termes de soutien, Corinne Arter remarque aussi de façon importante que « la Loterie Romande distribue pour la culture en Valais trois fois et demi plus que L’État valaisan ». Avec près de six millions offerts pour les arts du spectacle (soit un peu plus du quart de l’ensemble de ses dons 2003 en Valais, dévolus pour le reste au sport, au domaine social et à la conservation du patrimoine), la Loterie reste donc là aussi un pourvoyeur de fonds essentiel, devançant toutes les autres aides et sponsors existants.

Corinne Arter donne enfin le profil comparé d’une douzaine de compagnies professionnelles valaisannes qui ont bénéficié d’une aide de leur canton en2003.À la fin de son mémoire, les responsables des compagnies évoquées donnent leur avis et demandent principalement l’instauration de contrats de confiance qui permettent de travailler dans la durée (une décision politique a d’ailleurs été récemment prise en ce sens) et ensuite plus d’ouverture de la part des lieux d’accueil vis-à-vis des compagnies de Suisse romande en général et valaisannes en particulier. Prenons note et incitons.