Certificat vaccinal : non à la discrimination dans les institutions culturelles
Parallèlement aux événements tests sur quelques grandes manifestations et à l’élévation des jauges prévue en juin, le Conseil Fédéral envisage d’instaurer un accès sélectif à certains lieux : dès que 40% à 50% de la population aura été vaccinée, l’entrée dans nos institutions, de même que dans les restaurants ou les manifestations sportives de moyenne grandeur, pourrait dépendre du passeport vaccinal, les publics devant attester d’un vaccin ou d’un coûteux et laborieux test PCR pour entrer dans nos murs.
Pour nous, institutions culturelles publiques, être accessibles à touxtes n’est pas un principe discutable. Personnes sans papiers, personnes requérantes, SDF, phobiques, allergiques, sceptiques, vaccinées aux vaccins non-ARN, « provax » ou « antivax », « complotistes » ou « rigoristes » : il ne nous appartient pas de trier nos publics selon les critères que la Confédération n’ose elle-même pas faire appliquer aux autres secteurs. Il a été démontré à de multiples reprises – par des statistiques, par des simulations, par des recherches tout à fait scientifiques – que les théâtres, les cinémas et salles de concert assises, moyennant le port du masque et la distanciation, faisaient courir à leur public exceptionnellement peu de risques de contamination – d’après ces études, moins que les transports publics et beaucoup moins que les supermarchés par exemple.
Si la Confédération est toutefois tentée de nous imposer un rôle contre nature, discriminateur plutôt que rassembleur, cela n’est donc pas parce que le risque est spécialement élevé mais pour des questions pures de communication, sur le mode de la récompense, ou plutôt de la punition : vous retournerez à vos loisirs lorsque vous aurez joué le jeu de la vaccination. Ce chantage fait à nos dépens n’aurait lieu que parce que la Confédération n’a pas osé aborder de front le débat sur la vaccination obligatoire, et bien sûr n’oserait pas imposer les mêmes règles à Zara ou IKEA, ou aux CFF. Imaginez le tollé si les universités, les écoles, les EMS, les administrations publiques, les transports publics conditionnaient leur accès au vaccin ou au test quotidien ! Nos lieux culturels sont des institutions publiques au même titre que celles-ci. Les hypothèses de mesures faites ces derniers jours, proposées de manière non démocratique et au mépris de toute consultation du milieu, nous menacent directement d’instrumentalisation, dans des buts de politique sanitaire que nous estimons non directement liés à la dangerosité de notre activité. Elles sont une menace énorme pour notre mission et nos valeurs, le cœur de ce pourquoi nous travaillons. Si elles devaient se vérifier, nous serions à nouveau mis dans une position extrêmement problématique, puisque nous ne pourrions pas, éthiquement, logistiquement et financièrement, les mettre en œuvre.
Par ordre alphabétique :
Le collectif 2.21
Cécilia Bovet & Delphine Jeanneret, co-directrices Festival Cinéma Jeune Public
Bénédicte Brunet et Dominique Hauser, programmation et direction de la Grange de Dorigny, UNIL
Gwenaël Grossfeld, directeur du Cinéma Bellevaux
Marie Klay, Martina Pattonieri, direction générale, et Julien Bodivit, Thibault Walter, Dimitri Meier, direction artistique, LUFF
Myriam Kridi, directrice du festival de La Cité
Stéphane Morey, directeur de la Fête du Slip
Valérie Niederoest et Philippe Saire, co-directeurs du Théâtre Sévelin 36
Dominique Radrizzani, directeur de BDFIL
Patrick de Rham, directeur de l’Arsenic
Ysaline Rochat et Samuel Antoine, co-directeur.trice du festival Les Urbaines
Opinion partagée dans Le Temps, le 14.05.2021