Arts visuels – Le temps est à la fracture sociale

Numéro 10 – Juin 2006

Dans une société globalement acquise aux slogans du néolibéralisme, certains artistes visuels – des stars pour la plupart – trouvent dans l’adage d’une « liberté et une responsabilité personnelles pour chaque individu » une connotation fort belle et progressiste. D’autres au contraire – moins célèbres et moins favorisés par le marché – se sentent menacés par la précarité ambiante. C’est pour défendre les droits de ces derniers que l’existence d’une association professionnelle d’artistes visuels comme Visarte s’avère indispensable. Au niveau fédéral, Visarte déploie actuellement toutes ses forces pour lutter contre l’injuste révision de la loi sur le droit d’auteur.

Dans le milieu artistique, la fracture sociale s’avère toujours plus apparente. D’un côté, il y a les stars, riches, chouchoutées par LA « société main-stream », de l’autre, les nombreux artistes visuels qui cherchent à créer leurs œuvres tout en subvenant tant bien que mal à leurs dépenses quotidiennes. Malheureusement, tout ce petit monde d’artistes évolue lentement vers le non-professionnalisme, puisque la majorité d’entre eux ne peuvent plus exister sans avoir un métier à côté de celui auquel ils s’étaient destinés, à savoir celui d’artiste.

Comme le système des influen­ces, des modes, des bourses et des prix du marché de l’art devient de plus en plus une affaire de parrainage et ne peut être influencé par des créateurs individuels, les intermédiaires de ce marché prennent toujours plus d’ampleur. Il est donc absolument nécessaire qu’une association indépendante d’artistes visuels se charge de défendre les droits de l’ensemble des créateurs.

Absolue nécessité

Ainsi, Visarte est dirigée par un comité central composé d’artistes visuels. Quant à l’assemblée des délégués représentant les différents groupes répartis dans tout le pays, elle reste autonome et décide en dernier lieu des priorités et des choix de la politique culturelle à prendre.

Comme ces temps-ci les politiciens se désintéressent de la culture, surtout de l’art, si ce n’est pour punir et restreindre la liberté d’expression, toutes les associations artistiques deviennent absolument nécessaires.

Visarte cherche donc à intervenir en politique et à sensibiliser les différents parlements, aussi bien fédéraux que cantonaux, aux pro­blèmes inhérents à la création visuelle en Suisse. Actuellement, Visarte ne se désintéresse pas de ses activités « normales », c’est-à-dire la gérance d’une caisse d’indemnités journalières pour artistes malades, le soutien financier en cas de détresse, les conseils aussi bien juridiques que pratiques à tous les artistes visuels en difficulté, la distribution de prix pour des ateliers, la diffusion de deux brochures, l’une interne Le bulletin, l’autre plutôt grand public Art Suisse, le lancement de protestations politico-artistiques ou les contacts avec les associations de l’étranger et de Suisse, ceci au sein de l’organisation SuisseCulture.

Le droit d’auteur en péril

Mais la plus grande priorité de l’association est la lutte contre la « loi sur le droit d’auteur », que le Conseil fédéral vient de réviser. Ce dernier se positionne contre l’introduction d’un droit de suite pour les artistes visuels. Il argumente en disant que le droit de suite mettrait en péril la situation privilégiée de la Suisse dans le domaine du marché de l’art et que ce droit ne favoriserait que quelques artistes déjà bien en vogue. Pourtant, grâce à ce droit de suite, les artistes visuels bé­néficieraient, lors de la revente d’une de leurs œuvres sur le marché de l’art, d’une participation financière au produit de cette vente. Une caisse d’entraide serait également alimentée.

Dans tous les autres arts, la participation financière des artistes à la réutilisation de leurs œuvres est une chose qui va de soi depuis longtemps ; les écrivains, musiciens et autres créateurs perçoivent des redevances constantes sur les utilisations de leurs œuvres. Selon le Conseil fédéral, seuls les artistes visuels devraient être exclus de toute participation à une éventuelle plus-value ultérieure. Une injustice fondamentale, d’autant plus regrettable que les pays membres de l’Union européenne ont déclaré cette loi obligatoire à partir de 2006.

La Suisse se permet une révision de la « loi sur le droit d’auteur » qui est en contradiction avec les efforts déployés dans les pays voisins. Ce procédé désavantage non seulement les créateurs suisses, qui sont privés ainsi du droit de suite tant en Suisse qu’à l’étranger (réciprocité), mais aussi les artistes d’autres pays qui vendent leurs œuvres en Suisse. Les intermédiaires du marché de l’art, eux, pourront continuer de s’enrichir selon leur bon vouloir.

À nous, Visarte, de nous battre pour une loi équitable et juste, afin de ne pas nous laisser berner par les riches qui veulent absolument garder leurs privilèges peu sociaux et injustes.