Le Musée Cantonal des Beaux-arts rumine son avenir ?!
Interview d’Anne-Catherine Lyon, Cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture du canton de Vaud.
D’après vous, quelle est la place de la culture dans notre société vaudoise ?
Pour moi, la culture est l’expression d’un héritage qui va bien au-delà des frontières d’un canton. Bien que liée à la langue, la culture est avant tout liée au monde de la sensibilité : elle peut donc transcender la langue. Elle est ce qui fait notre spécificité d’êtres humains. Cette capacité de se projeter vers l’avenir, de se sentir portés vers une certaine transcendance – indépendamment de ses convictions spirituelles – est à la fois quelque chose qui rassemble et quelque chose qui peut amener à des questionnements extrêmement forts. La culture est un élément fondamental : c’est ce qui fait que l’on peut vivre ensemble. Elle est tellement au cœur de la vie en communauté et de la vie de chacun d’entre nous que parfois on oublie cette dimension omniprésente. Tout le monde est baigné dans la culture, même les gens qui pensent, à tort, ne pas avoir les clés pour la comprendre. Accéder à la culture lorsqu’elle est au sein d’un musée, sur la scène d’un théâtre ou celle d’un opéra peut être impressionnant pour de nombreuses personnes, car elles pensent que c’est un univers qu’elles ne peuvent pas appréhender. Nous avons là un immense travail à accomplir avec les institutions et avec le système de formation pour amener à chacune et à chacun les clés permettant d’y accéder.
On pourrait alors dire que le musée dans la ville devient un peu comme de l’instruction publique, que c’est une sorte de démocratisation du savoir et de la culture.
Absolument. Avoir la formation et la culture au sein du même département est très important. Les deux font partie de grandes politiques publiques, par la mise à disposition de ressources financières par des subventions, ou la construction d’institutions pour permettre de conserver le patrimoine. La démocratisation de l’accès à la culture est un thème de politique publique. Il est important que les gens aient conscience que le patrimoine d’un musée est un patrimoine public commun. Et je crois que la campagne de votation a permis peu à peu d’aborder ces thèmes et a permis d’avoir un débat dans toutes les familles. Les citoyens se sont passionnés pour ces sujets, et, en cela, c’est une opération extraordinaire de prise de conscience.
Est-ce que vous me permettez de dire que la campagne a été presque trop courte pour que les gens aient le temps de se rendre compte de ce dont on parlait ?
Oui… il aurait fallu commencer par un débat sur la culture au sens général. En même temps, l’expérience démontre que s’il n’y a pas au bout un élément lié à une votation, le public ne s’y intéresse pas forcément. On abordera d’ailleurs la question liée à la promotion de la culture et à la conservation du patrimoine à la faveur de deux avant-projets de loi, qui seront mis en consultation avant l’été, au plus tard au tout début de l’automne. Dans ce cadre-là, nous aurons des débats importants qui vont nécessairement intéresser la population, puisqu’ils aboutiront à l’élaboration de deux textes légaux.
Cette votation a créé un débat public autour de la démocratisation de la culture
Pour revenir sur le musée, quelle sera la tendance d’un musée dans vingt ans ?
Les points qui ressortent de ces mois de débats, c’est d’abord la nécessité d’un lieu physique, et ensuite toute la dimension de la médiation culturelle. C’est important pour le Musée cantonal des Beaux-Arts, ainsi que pour les quatre autres musées d’Histoire et de Sciences, de réunir dans un même lieu des expositions permanentes, des collections et des expositions temporaires. Ce qui est propice à la présentation de l’ensemble du patrimoine extraordinaire que nous avons, et qui permet d’avoir un regard beaucoup plus large sur l’ensemble de ce patrimoine. Le musée est aussi un lieu de vie, un lieu où l’on va avec plaisir, non seulement pour y voir des œuvres, mais pour y boire un café, ou pour aller à la librairie du musée. La médiation culturelle est en voie de renforcer la démocratisation de l’accès à la culture, d’intéresser des publics divers.
Dans le financement de fonctionnement du Musée cantonal des Beaux-Arts, quelle sera la part de l’État et celle de la Ville ?
Il s’agit d’un musée cantonal, et il a toujours été très clair dans ce projet que l’État assume le budget de fonctionnement du musée. Le Conseil d’État a prévu ce budget dans sa planification financière, et chaque année nous augmentons les sommes en faveur du Musée cantonal des Beaux-Arts selon le rythme prévu. Nous avons prévu de doubler le budget de fonctionnement du musée, sans prendre un centime sur d’autres activités.
Avez-vous un souhait à exprimer en tant que Cheffe de la culture ?
Je souhaite que le très bon climat qui prévaut actuellement perdure. Je crois que l’impulsion forte qui est née suite au rude débat sur le musée nous permettra d’aller au bout, non seulement de ce projet-là, mais de nombreux autres projets culturels.
Est-ce que la crise économique actuelle aura des conséquences sur les budgets ?
Pas dans l’immédiat. Un des éléments forts des musées d’État, ou des subventions étatiques en faveur des activités culturelles, étant que l’État permet d’assurer des financements pérennes, ce que ne peuvent pas garantir les entreprises. Et je veillerai, comme je l’ai toujours fait, à ce que le budget dédié à la culture dans toutes ses dimensions ne soit pas touché et qu’il continue d’être augmenté.