Édito n°32, décembre 2011 – Le théâtre, c’est nous

Numéro 32 – Décembre 2011

C’est nous, raconté ou représenté, grandi ou caricaturé, anobli ou exaspéré, sur les plateaux des théâtres d’Eschyle à Declan Donnellan, en passant par Shakespeare et Molière, Pirandello et Bertolt Brecht, Jean Vilar, Giorgio Strehler ou Benno Besson.


C’est nous qui, quand ont résonné les trois coups et s’est levé le lourd rideau rouge de la scène, nous nous regardons vivre par procuration comme dans un grand miroir parcourant, à travers et avec les acteurs, les mille facettes ordinaires ou extraordinaires de nos vies.

Parce que nous nous reconnaissons dans ces représentations, nous continuons de fréquenter avec assiduité les salles de théâtre malgré l’omniprésence des spectacles virtuels que nous proposent cinéma et télévision.

Car nous sommes tous, comme l’affirme Anne Cuneo, un peu comédiens dès la naissance. Mais les années passant, seulement peu d’entre nous persévèreront dans cette direction pour embrasser la carrière de comédien ou de metteur en scène.
Pour ceux qui veulent faire de cet art leur activité principale, rappelons que c’est à Lausanne que s’est établie dès 2003 La Manufacture devenue depuis la Haute école de théâtre de Suisse romande, « laboratoire à ciel ouvert », et lieu officiel incontournable pour la formation des futurs comédiens. Et ce serait une injustice de ne pas signaler qu’un peu partout dans les six cantons de notre région francophone, il y a également depuis longtemps des écoles de théâtre permettant à la relève locale de se préparer au métier des planches, telles que l’École de théâtre Serge Martin de Genève, l’École du théâtre des Teintureries à Lausanne, les cours de la section théâtre du conservatoire de Fribourg ou ceux de l’École de théâtre de Martigny, et d’autres encore.

Nous avons la chance, en terre romande, d’avoir plus de cent théâtres répartis sur tout le territoire nous proposant des programmes si variés qu’il est presque impossible à l’amateur éclairé d’en suivre toutes les représentations. Une réelle présence, malgré d’énormes difficultés de financement pour ces activités culturelles qui nécessitent la plupart du temps de lourdes infrastructures.

Le dossier que nous vous proposons ici présente, à travers la voix de politiques chargés de la culture et d’artistes engagés sur la scène, quelques problématiques que doivent affronter les gens du spectacle et quelques pistes à suivre pour leur assurer une vie plus équilibrée et moins conflictuelle, si tant est qu’on ne veuille pas leur couper les ailes et les budgets.

Certaines institutions sont arrivées à trouver malgré tout une stabilité et dans nos contrées il en est une qui semble détenir la formule magique.
Créé en 1964, à l’occasion de l’Expo nationale, le Théâtre de Vidy a ouvert ses portes il y a déjà 37 ans. Armé de quatre salles et occupant régulièrement plus de 120 salariés, cet établissement gère un budget d’environ 21 millions de francs, réparti entre 40 % de subventions et 60 % d’autofinancement, généré par la billetterie, les recettes des tournées (45 %), les mécènes et les sponsors. Au cours de la Saison 2010–2011, Vidy a présenté dans ses murs 37 spectacles à plus de 80’000 spectateurs à l’occasion de 550 représentations. 26 d’entre elles ont continué leur carrière à l’étranger dans le cadre de tournées dans 24 pays et ont engendré 600 représentations supplémentaires, soit un total 1’150 représentations pour une seule saison. Un record ! Une programmation panachée aussi bien pointue que populaire, souvent en coproduction, composée de créations en majorité et de quelques accueils, lui permet d’obtenir un taux de remplissage avoisinant les 80 %. Tous ces chiffres et ces pourcentages pour rappeler qu’il est certes difficile de mener à bien l’aventure d’un théâtre, mais que c’est aussi possible dans nos régions… Pour le plus grand plaisir de tous ceux qui continuent de savourer cet art de la vie.