La reprographie et ProLitteris : de quoi s’agit-il ?

Numéro 33 – Février 2012

La Loi sur le droit d’auteur (LDA) régit la propriété intellectuelle des œuvres protégées et pose pour principe premier que « l’auteur a le droit exclusif de décider si, quand et de quelle manière son œuvre sera utilisée » (article 10). Ce principe signifie simplement que l’auteur détient les droits exclusifs sur les œuvres qu’il a créées. En conséquence, il peut décider si quelqu’un est habilité à utiliser, reproduire et diffuser ses textes ou ses images, quand, et à quel prix. Cependant, il lui appartient aussi de refuser d’autoriser cette utilisation, qui serait alors illicite si elle avait lieu.

Il existe toutefois des exceptions à ce principe, pour une bonne raison : aucun auteur ne peut vérifier qui a réalisé des photocopies de ses ouvrages ou de ses articles de presse, destinées à un usage interne en entreprise ou dans l’administration. Il ne peut pas non plus effectuer cette vérification dans les écoles, ni même dans les universités. Non seulement son droit exclusif reste « lettre morte », mais les recettes financières issues de ces utilisations lui échappent. On parle dans ces cas d’« utilisations de masse ». C’est pourquoi, lors de la révision totale de la LDA en 1992, le législateur a décidé d’adopter un principe inverse, en quelque sorte, à ce principe de l’article 10 : il a aménagé le droit d’interdiction ou d’autorisation sous forme d’une licence légale et disposé que « l’usage privé d’une œuvre divulguée est autorisé » (article 19, alinéa 1). Par cette disposition, la Loi entend « toute utilisation d’œuvres par un maître et ses élèves à des fins pédagogiques », ainsi que « la reproduction d’exemplaires d’œuvres au sein des entreprises, administrations publiques, institutions, commissions et organismes analogues, à des fins d’information interne ou de documentation » (article 19, alinéa 1, lettres b et c).

En d’autres termes, la photocopie d’extraits de textes et d’images provenant d’ouvrages ou de journaux est autorisée pour un usage interne en entreprise et dans l’administration. Afin que les auteurs ayants droit ne subissent aucun préjudice financier, il est obligatoire, depuis la révision totale de la LDA en 1992, de leur verser une rémunération. Cependant, étant donné que chaque auteur ne peut pas établir des factures et en gérer l’encaissement, ces rémunérations ne peuvent être payées, en globalité, que par l’intermédiaire des sociétés de gestion agréées en Suisse (article 20, alinéas 2 et 4). Celles-ci doivent ensuite répartir les recettes perçues entre les ayants droit (articles 48 et 49).

La photocopie d’extraits de textes et d’images provenant d’ouvrages ou de journaux est autorisée pour un usage interne en entreprise et dans l’administration. Afin que les auteurs ayants droit ne subissent aucun préjudice financier, il est obligatoire de leur verser une rémunération.

Les montants des rémunérations dues doivent être négociés avec les utilisateurs dans des « Tarifs communs » (TC) particuliers et approuvés par la Commission arbitrale fédérale. Ce n’est qu’une fois cette approbation obtenue que les sociétés de gestion peuvent procéder à l’encaissement et à la répartition. La reprographie (ou la photocopie) relève du TC8 depuis 1995. Toutefois, les progrès techniques permettent depuis déjà un certain temps aux entreprises comme aux écoles d’utiliser à des fins internes des œuvres protégées par des droits d’auteur, non seulement sous forme analogique mais également sous forme numérique. Par exemple, dans une entreprise, il est tout à fait possible de transmettre un texte scanné à certains membres du personnel, via leurs micro-ordinateurs respectifs. C’est pourquoi, outre le « classique » TC8, les sociétés de gestion ont aussi négocié le TC9, en vigueur depuis 2004. Le TC9 s’applique à l’utilisation numérique d’œuvres protégées qui a lieu au sein du réseau interne d’une entreprise ou d’une école. ProLitteris est la société de gestion compétente pour la mise en œuvre tant du TC8 que du TC9.

Ces deux tarifs, avec les facturations correspondantes, sont appliqués simultanément. En effet, la plupart des utilisateurs font usage à des fins privées d’œuvres protégées, aussi bien sous forme numérique que sous forme analogique. Globalement, ProLitteris prélève chaque année des redevances auprès de quelque 70’000 utilisateurs. En 2010, pour les deux tarifs, le rendement des œuvres a dépassé 14 millions de francs suisses. Sur ce total, après déduction des frais d’administration et de la part revenant à la Fondation sociale de ProLitteris, les ayants droit perçoivent leurs indemnités conformément à un règlement de répartition spécifique. Le montant reçu par un auteur dépend du nombre des textes, de leur longueur et du type d’ouvrage, de journal ou de périodique où ils ont été publiés au cours d’une année donnée. Il est calculé en fonction de la nature et du tirage de la publication et versé aux ayants droit une fois par an (généralement en décembre).

L’État exerce une surveillance sur les sociétés de gestion afin de s’assurer que tout se déroule en bon ordre. Pour opérer, les sociétés de gestion doivent non seulement disposer d’une autorisation correspondante de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI), mais également faire valider par celui-ci leurs règlements de répartition et lui communiquer leur rapport d’activité annuel à des fins de contrôle et d’approbation (articles 2 et 53 de la LDA). Coopérative fondée en 1974, ProLitteris comptait un peu plus de 10’000 membres en 2010, dont environ 9’300 auteurs et 800 éditeurs.