La rémunération pour copie privée en danger

Numéro 40 – Décembre 2013

Le groupe libéral-radical a récemment déposé une initiative parlementaire fédérale intitulée « Stop à la taxe injuste sur les supports vierges ». Elle constitue une nouvelle attaque contre les acquis des auteurs et interprètes, attaque d’autant plus mesquine que la rémunération pour copie privée est modeste et ne fait pas augmenter le prix de vente des appareils.

Historique de la copie privée

La loi investit l’auteur du droit exclusif de décider si et à quelles conditions ses œuvres peuvent être reproduites. Elle prévoit aussi de nombreuses limitations à ce principe – et institue des dédommagements en faveur des auteurs.

L’émergence des cassettes, il y a cinquante ans, a permis à tout un chacun de faire des copies d’œuvres. Suite aux pertes financières subies par les artistes, le législateur a admis qu’il fallait créer un mécanisme de compensation. Le consommateur bénéficie d’une exception aux droits exclusifs, il peut faire des copies pour son usage privé et pour des personnes étroitement liées. En contrepartie, les fabricants et les importateurs de supports vierges s’acquittent d’une redevance au bénéfice des auteurs. Les sociétés de gestion de droits d’auteur, agréées et surveillées par l’État, négocient les tarifs et répartissent cette rémunération dans un cadre réglementé.

Progressivement la copie privée a gagné en importance pour les auteurs et les négociations avec les utilisateurs sont devenues plus ardues. Pour rappel, il n’y a pas encore de perception de copie privée sur les téléphones mobiles, alors que beaucoup de Suisses en sont à leur troisième ou quatrième génération d’appareil. En revanche, le tarif pour tablettes tactiles est entré en vigueur le 1er juillet 2013.

Redevance modeste par rapport au prix des appareils

Le groupe libéral-radical estime qu’avec « l’évolution technologique, les appareils possèdent de plus en plus de capacités de stockage, taxant d’autant plus les individus ». Affirmation fausse s’il en est : pour un IPod touch avec une capacité de 16 GB, la redevance représente les 3,34% de son prix, pour un iPad 64, elle se monte à moins de 1%… Le premier appareil, un baladeur, permet de charger 3200 morceaux de musique ; le second, une tablette, permet d’en avoir 12800.

Les fabricants instrumentalisent les consom-mateurs pour une réalité somme toute banale: ils ne veulent pas que leurs marges baissent.

Les initiateurs parlent de « taxe », mais il s’agit bien d’une redevance payée par les fabricants des appareils. Autre remarque : en comparant le prix de vente d’un même appareil dans des pays qui ne connaissent pas la rémunération pour copie privée, on constate qu’il n’y est pas moins cher qu’en Suisse. Par ailleurs, aucune corrélation entre l’évolution des prix de vente d’un appareil et l’introduction ou la variation des redevances n’a pu être établie.

Les fabricants ne veulent pas voir leur confortable marge diminuer

Les fabricants instrumentalisent les consommateurs pour une réalité somme toute banale : ils ne veulent pas que leurs marges baissent. Or ces marges sont plutôt confortables : selon le site www.zdnet.de, la marge brute des appareils d’Apple se situait en 2012 entre 42,8% et 52%…

Contrairement à ce que disent nos détracteurs, la copie privée ne profite pas qu’aux artistes célèbres. Les sociétés d’auteurs agissent dans un réel esprit de coopérative, s’assurant que les auteurs moins connus reçoivent aussi leur part.

Sans redevance en contrepartie, les copies privées ne seraient plus tolérées. Les consommateurs y perdraient donc tout autant que les auteurs. De plus, la Suisse violerait plusieurs traités internationaux.

La vente d’un fichier n’est pas la copie privée

Les consommateurs ne paient pas plusieurs fois « pour la même chose » alors qu’ils copient une œuvre achetée sur plusieurs appareils. La vente du fichier relève juridiquement d’un autre acte que la copie privée. La vente correspond à la mise à disposition de l’œuvre et les droits sont payés par le magasin en ligne. Par contre, la copie privée est due par le fabricant ou l’importateur du support. Deux intervenants qui bénéficient chacun de revenus générés par l’utilisation d’œuvres protégées : il est par conséquent normal que tous les deux doivent rémunérer les créateurs des œuvres.

64 organisations culturelles ont déjà soutenu la prise de position des coopératives de gestion de droits d’auteur, et désormais chacun peut s’y joindre en signant la pétition sur http://www.suisseculture.ch/fr/droit-dauteur.html