Le Salon du livre et de la presse de Genève, nouveau média de l’écrit
Cette plate-forme du monde de l’écrit en Suisse romande développe fortement son rôle de média(teur) culturel.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé les instants où les histoires prenaient vie, où les mots sortaient littéralement des pages où elles étaient couchées. J’étais accrochée aux conteuses sur les places du village, aux lectures d’écrivains donnant un son à leurs textes, aux adaptations sur grand écran de classiques de la littérature, aux poèmes d’Apollinaire ou de Houellebecq mis en musique, aux philosophes qui descendaient dans l’arène défendre leurs essais.
Mais d’aussi loin que je me souvienne, j’ai aussi toujours aimé les librairies dans lesquelles on entre sans savoir quand l’on va ressortir, un livre en appelant un autre, les cavernes d’Ali Baba débordant de bouquins neufs ou anciens, les dépôts des éditeurs regorgeant des trésors de décennies de passion éditoriale.
L’un ne va pas sans l’autre, clairement.
Le Salon du livre et de la presse de Genève, que je préside depuis trois éditions, s’est donné pour mission, poursuivant ainsi les buts de son fondateur, l’éditeur Pierre-Marcel Favre, de vivre et de se développer comme une plate-forme majeure du monde de l’écrit en Suisse et en francophonie. Nos partenaires naturels sont tous les acteurs de ce monde culturel et économique : les éditeurs évidemment, mais aussi les écrivains, les libraires, les diffuseurs, les associations littéraires et les institutions culturelles. Le savoir-faire des acteurs de l’écrit en Suisse romande en particulier, en Suisse et en francophonie en général est important et remarquable. Quel coin de pays peut se targuer, malgré les difficultés économiques de la branche, d’abriter autant de maisons d’éditions jeunes ou historiques ! Autant de librairies, de bibliothèques, d’associations culturelles qui dynamisent l’âme littéraire de nos villes et villages ! Autant de jeunes plumes qui se lancent chaque année dans la course ! À nous Salon du livre, chaque printemps, de le faire savoir.
Je considère le Salon du livre et de la presse de Genève comme un média, parce qu’à l’instar d’un média de presse, nous sommes au milieu, à mi-chemin des producteurs d’écrit et les consommateurs de culture. Nous sommes des passeurs. Notre mission en tant que manifestation culturelle publique et populaire est d’inventer les outils les plus convaincants pour faire connaître ces acteurs du monde de l’écrit, pour encourager la pratique de la lecture et de l’écriture auprès de nos quelques 100’000 visiteurs annuels, pour démontrer enfin que l’écrit est une chose vivante, intéressante, émouvante, incarnée.
Tout comme un média peut décliner papier, site internet, interviews, portraits, bonnes feuilles en un rythme quotidien ou hebdomadaire, le Salon du livre et de la presse de Genève développe depuis trois ans des outils dont le succès a été suffisamment avéré pour que nous décidions de les pérenniser. Le premier outil consiste en des scènes thématiques, comme autant de places du village conviviales et riches de contenu, composées d’une librairie, d’un espace gourmand et d’une scène dédiée aux écrivains et autres acteurs d’un domaine éditorial comme le polar, la littérature suisse, les écrivains voyageurs, la bande dessinée, les littératures arabes ou africaines, le développement personnel et la spiritualité, la gastronomie. Le visiteur cherche à retrouver des univers qui lui sont chers : nous le prenons par la main en sachant que les découvertes suivront naturellement. En trois éditions, la Place Suisse – sa scène où se succèdent écrivains romands, alémaniques, tessinois ou romanches et son chalet à raclette – est ainsi devenue un rendez-vous central, choisie par des éditeurs pour marquer le lancement d’un livre ou un anniversaire. En une seule édition, la Place du voyage a mis en évidence l’importance et l’attrait de ce genre si cher au genevois Nicolas Bouvier.
En créant en 2012 le projet de mentorat artistique « Parrains & Poulains », nous avons voulu un outil pour encourager la relève littéraire de manière dynamique, publique et originale tout en valorisant l’expérience des écrivains de notre pays. Le Prix du Salon du livre de Genève dénote la volonté d’engagement, de prescription du salon, qui se veut acteur à part entière du monde de l’écrit en Suisse et en francophonie. Les visites de classes sont un autre outil, Ô combien essentiel, pour s’assurer de la transmission du goût de la lecture, sous toutes ses formes.
Désormais autant festival que salon, le Salon de Genève garde son cap : cultiver une identité à la fois intellectuelle et populaire, démontrer que le grand écart est possible entre une manifestation littéraire de la taille et de l’importance de celle qui se tient chaque printemps à Genève et le goût des visiteurs qui va vers des rencontres intimistes et conviviales, du partage, de la valeur humaine ajoutée.