L’action publique lausannoise en faveur des acteurs de la « chaîne du livre », passablement malmenée par le numérique, existe depuis de nombreuses années mais est demeurée sans ligne de conduite ni coordination interne, le Service de la Culture (aides à l’impression éditoriale) et le Service des Bibliothèques et Archives (achats documentaires aux libraires, soutien au festival de la bande dessinée BD-FIL) étant les deux instances communales les plus impliquées. À la faveur de la législature 2011 – 2016, sous la conduite du conseiller municipal Grégoire Junod en charge des bibliothèques et archives de la Ville, une réflexion d’ensemble a été menée et a débouché sur un véritable programme en faveur du livre et de la lecture, validé par le vote d’un préavis soumis au conseil communal en septembre 2014.

L’idée force du programme consiste à affirmer une action globale et cohérente tant du point de vue des acteurs du livre bénéficiant d’un soutien financier que de la population. Avec cette politique du livre, Lausanne, pôle culturel incontestable, ne renonce pas à valoriser des formes essentielles d’accès à l’imaginaire comme à la réflexion, dont chacun ressent l’évidente nécessité : la lecture et l’écriture.

En somme, il s’agit de ne plus se contenter de soutenir un auteur par un subside à l’impression, mais d’accompagner un maximum de créations locales dans l’espace public et médiatique, pour renforcer l’intérêt collectif qu’elles méritent dans un contexte marchand très concurrentiel. À ce titre, le réseau des bibliothèques constitue une caisse de résonance et de médiation sans égal au sein de l’administration.

Le Service des Bibliothèques et archives, par son important rôle culturel et social dans la cité et sa position d’interface entre créateurs, éditeurs, libraires et lectorat, s’est vu confier la responsabilité du programme et la gestion des budgets afférents. Un poste de délégué à la politique du livre a été créé au sein de ce service pour mener les différents projets mis en place : soutiens à l’édition, prix des lecteurs, bourse d’auteur, organisation d’événements et rencontres.

Cette démarche volontariste initiée par la tenue d’États généraux co-organisés avec le canton de Vaud en novembre 2011, s’est construite en concertation étroite avec les représentants de l’économie du livre : éditeurs, libraires, auteurs et chercheurs notamment. Depuis lors, les autres instances publiques – confédération, cantons – ont également renforcé leurs dispositifs. Désormais, l’heure est à une coordination intelligente et efficace des moyens financiers dégagés, au profit de la création et du savoir romand et qui concerne l’ensemble de la population. Cette dernière est invitée à être partie prenante des initiatives publiques et/ou privées pour consolider les valeurs d’une culture démocratique qui doit énormément à la pluralité des écritures et des lectures, sans lesquelles nul regard critique, informé et libre ne saurait exister.



Yvette Z’Graggen, une grande écrivaine

Décédée il y trois ans, Yvette Z’Graggen raconte sa vie dans l’entretien inédit mené par Catherine Azad et réalisé par Frédéric Gonseth en 2003, à paraître aux Éditions de L’Aire en avril 2016. Celui-ci sert de base au scénario du docu-fiction réalisé par Gonseth sur la vie de Z’Graggen, et qui sera présenté en avant-première au prochain salon du Livre et de la Presse de Genève (27 avril – 1er mai 2016).

En 1942 elle a 22 ans et conçoit son second roman, le premier qui sera édité avec succès.

« Moi, j’avais envie d’écrire un livre sur le modèle anglo-saxon, mais qui se passe à Genève ou en Suisse en tout cas, avec des personnages d’ici. Pourquoi pas au fond ? Et c’est là que j’ai commencé à écrire La Vie attendait, quand je travaillais à la Croix-Rouge 8 heures ou plus, par jour, y compris le samedi matin aussi. Alors, j’avais un petit schéma dans la tête et tous les matins, je partais à pied de chez moi, avec ma petite lampe bleue, suivant les saisons. J’allais à pied jusqu’au cours des Bastions, c’était bien à une bonne demi-heure de là où j’habitais, hein. Et tout en marchant, je marchais pour économiser les quatre sous du tram, on n’était pas vraiment très très riche pendant la guerre, alors j’inventais la scène que j’écrivais le soir. »