La Suisse parle au monde

Numéro 36 – Décembre 2012

C’est à l’unanimité des votants que Jean-Luc Moner-Banet, reconnu notamment pour sa lutte contre les paris illégaux, a été appelé, le 12 septembre dernier, à la présidence de la WLA, l’association mondiale des loteries. Cette élection permet à la Suisse de bénéficier, pour la première fois, d’une représentation de la plus haute importance au sein de l’organe faîtier, qui réunit quelque 150 loteries provenant de plus de 80 pays et dont la majorité des revenus, qui dépassent 200 milliards de francs, est mise au service du bien commun. À l’heure où les opérateurs privés sur Internet contestent les modèles d’exploitation exclusive à but d’utilité publique, la Suisse pourra ainsi faire entendre son point de vue, avec force. Petit tour d’horizon avec le nouveau président.

Vous avez été élu pour un mandat de deux ans. Quels objectifs poursuivrez-vous ?
Jean-Luc Moner-Banet :  Mes objectifs s’inscrivent dans une perspective de collaboration active entre les différentes associations continentales. Ils visent essentiellement à poursuivre le développement des meilleures pratiques, des lignes directrices et des normes dans les domaines du jeu responsable, de la sécurité et de l’intégrité des jeux. Les questions liées au sport et à son intégrité, au développement d’un cadre de référence pour l’entier du secteur des loteries et des paris sportifs, au renforcement des liens à travers les frontières, à la promotion et à l’exploitation de jeux toujours plus attrayants et socialement responsables sont également au cœur du programme que j’entends mener à bien durant mon mandat.

Que peut faire la WLA pour lutter contre le phénomène grandissant des matchs truqués ?
JLMB : L’expansion des matchs truqués constitue en effet une menace importante, aussi bien pour le sport en général que pour les sociétés de loterie. Ce phénomène existe sur tous les continents et tend à se propager davantage. Il met en péril le sportif lui-même ainsi que l’activité liée aux paris sportifs. Dans ce contexte, la WLA se doit d’agir en faveur de la globalisation du système de surveillance existant en Europe, le European Lotteries Monitoring System (ELMS), qui a été mis en place en juillet 2010 et qui permet de détecter et signaler les prises de paris suspectes aux fédérations sportives, UEFA, FIFA et CIO en tête. L’intégration de ce système au sein d’une plateforme internationale, en collaboration avec les gouvernements, les loteries nationales et les fédérations sportives, constituera un pas décisif dans la lutte pour l’intégrité du sport et des paris.

« L’expansion des matchs truqués constitue en effet une menace importante, aussi bien pour le sport en général que pour les sociétés de loterie. » (Jean-Luc Moner-Banet, président de l’Association mondiale des loteries)

L’activité des opérateurs illégaux sur Internet porte également atteinte aux loteries d’utilité publique. Comment y remédier ?
JLMB : La pression toujours plus importante qu’exercent sur les loteries officielles les opérateurs illégaux sur Internet nécessite des mesures de lutte contre leur activité, notamment sur le plan juridique. Afin de garantir en faveur du bien commun les bénéfices des loteries et des paris sportifs, il convient de restreindre au maximum l’offre illégale sur Internet. Les moyens d’action existent, comme le montre l’exemple de plusieurs pays européens, qui ont pris des mesures efficaces permettant de limiter notablement l’activité des sites illégaux et leurs effets néfastes. Reste à la Confédération et aux cantons suisses à emboîter le pas, notamment dans le cadre de la révision de la loi fédérale sur les loteries et les paris, et à se doter ainsi de nouvelles bases légales permettant de bloquer l’accès aux sites illégaux ou d’interdire leurs transactions financières.

« L’expérience de la Loterie Romande démontre que les principes de responsabilité sociale et les activités économiques performantes ne sont pas incompatibles »

En Suisse, le principe selon lequel les bénéfices des loteries et paris doivent retourner à la communauté est désormais ancré dans la Constitution. Ce modèle est-il un exemple à suivre pour d’autres pays ?
JLMB : La très large acceptation par les citoyens, le 11 mars 2012, du nouvel article constitutionnel sur les jeux d’argent, par 87% des voix, constitue une étape à la fois très importante et réjouissante pour les deux sociétés suisses de loterie, Swisslos et la Loterie Romande. Elle confirme l’attachement de la population, et donc des joueurs, aux principes selon lesquels les bénéfices des jeux d’argent doivent profiter à l’utilité publique. Avec ce vote historique, le système suisse, qui impose une distribution intégrale des bénéfices aux œuvres caritatives, culturelles et sportives, intègre désormais, et ce sur un plan constitutionnel, des mesures de prévention et de lutte contre la criminalité, le blanchiment d’argent et le jeu excessif. Devant l’amplification de ces dangers, due notamment à l’activité des opérateurs illégaux sur Internet, qui laissent la porte ouverte aux excès et dont les profits ne servent qu’à enrichir des investisseurs étrangers, la Suisse peut effectivement servir d’exemple à de nombreux pays.

Le modèle d’affaires de la Loterie Romande serait donc exportable ?
JLMB : L’expérience de la Loterie Romande démontre clairement que les principes de responsabilité sociale et les activités économiques performantes ne sont pas incompatibles. Figurant parmi les pionnières dans le domaine de la prévention du jeu excessif, la Loterie Romande a mis en place une politique de jeu responsable dès la fin des années 1990. Cette démarche volontaire n’a rien enlevé à la viabilité de l’entreprise, bien au contraire. En encadrant ses activités commerciales par des pratiques socialement responsables, la Loterie Romande a pu renforcer sa légitimité, tout en développant la confiance du public. Une telle approche contribue à fidéliser les joueurs et favorise l’innovation. C’est précisément ce dont ont besoin les loteries d’utilité publique. Pour pérenniser leur activité et garantir ainsi le retour de leurs bénéfices à la communauté, elles se doivent de mettre en œuvre une politique qui soit non seulement responsable mais également attractive, dans le but de protéger les populations vulnérables tout en permettant à l’immense majorité des joueurs de se distraire en participant à des jeux modernes et imaginatifs.