Le projet de nouvelle loi sur les jeux d’argent

Numéro 48 – Décembre 2015

Le 21 octobre 2015, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le projet de loi sur les jeux d’argent en proposant aux Chambres de l’accepter. En sa qualité de Directeur général de la Loterie Romande, Jean-Luc Moner-Banet a participé à l’élaboration du projet et nous dresse un portrait des différents enjeux liés au marché des jeux d’argent, sous l’angle notamment de l’affectation des bénéfices à l’utilité publique.

En préambule, quels sont les objectifs de cette loi ?
Jean-Luc Moner-Banet : La future loi sur les jeux d’argent doit mettre en œuvre l’article 106 de la Constitution, accepté par le peuple et les cantons le 11 mars 2012. Actuellement, deux lois distinctes régissent le domaine des jeux d’argent : la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeu et la loi fédérale du 8 juin 1923 sur les loteries et les paris professionnels. Le projet de nouvelle loi sur les jeux d’argent propose de n’avoir plus qu’une seule loi pour établir une réglementation cohérente et moderne de tout le domaine. Il vise à assurer une exploitation sûre et transparente des jeux d’argent, à garantir que leurs bénéfices soient affectés à des buts d’utilité publique ou à l’AVS et à l’AI, ainsi qu’à protéger de manière appropriée la population contre les dangers inhérents aux jeux d’argent.

Quelle est votre appréciation générale du texte qui a été soumis au Parlement ?
J-L M-B : Élaboré en collaboration avec tous les acteurs concernés, notamment les maisons de jeu et les représentants de la lutte contre les addictions, le projet de loi est équilibré et cohérent. Il garantit l’équilibre entre les compétences de la Confédération et celles des cantons et donne de nouvelles définitions des différents jeux d’argent, qui permettront aux exploitants d’adapter leurs offres aux évo­lutions sociales et techno­logiques tout en res­pectant les impératifs de protection de la population. Compte tenu des avancées proposées par les exploitants de jeux, notamment en matière de responsabilité sociale, il importe que le texte ne soit pas modifié par des exigences supplémentaires qui porteraient atteinte à la compétitivité des jeux de loterie et des paris sportifs. Dans un contexte toujours plus concurrentiel, la nouvelle législation doit permettre aux sociétés de loterie d’exploiter des jeux à la fois attrayants et rentables, afin de garantir la stabilité à long terme des bénéfices distribués à l’utilité publique, soit près de CHF 600 millions par an pour la Loterie Romande et Swisslos.

L’affectation des bénéfices à des buts d’utilité publique est donc garantie ?
J-L M-B : Conformément à l’article 106 de la Constitution, le projet garantit que les bénéfices provenant des loteries et des paris sportifs continueront d’être destinés exclusivement aux organes de répartition des cantons, pour le soutien de projets caritatifs, culturels et sportifs, de même que les impôts versés par les maisons de jeu contribueront au financement de l’AVS et de l’AI. Il s’agit néanmoins de veiller scrupuleusement au respect de cette exigence fondamentale qui pourrait être dénaturée par des visées mercantiles. À cet égard, les dispositions de la loi doivent permettre d’assurer que les bénéfices des jeux d’argent au sens de l’article 106 de la Constitution soient bien affectés à des buts d’utilité publique et ne soient pas détournés au seul profit de prestataires privés.

La protection de la population contre les dangers liés aux jeux d’argent est l’un des objectifs de la nouvelle loi. Que prévoit le projet ?
J-L M-B : Les mesures prévues dans le projet de loi assurent une protection efficace, en particulier des mineurs et des populations vulnérables. Cette nouvelle réglementation, à la fois souple et adaptée aux facteurs de risques, permet de tenir compte des spécificités des jeux et de leur mode d’exploitation ainsi que des évolutions technologiques. Sous le contrôle et la supervision des autorités de surveillance, les exploitants seront tenus de prendre les mesures appropriées à leurs offres respectives. Au vu de l’ensemble du dispositif prévu, le projet de loi comporte des exigences qui feront sans doute de la législation suisse une des plus sévères d’Europe en matière de jeu responsable.

Le projet de nouvelle loi vise à assurer que les bénéfices des jeux d’argent soient affectés à des buts d’utilité publique ou à l’AVS et à l’AI, ainsi qu’à la prévention des comportements addictifs.

Les mesures destinées à lutter contre les jeux illégaux seront-elles efficaces ?
J-L M-B : En raison des dangers bien réels liés à la criminalité, au blanchiment d’argent ou à la dépendance, la lutte contre l’offre illégale – qui représente en Suisse un revenu brut des jeux estimé à CHF 300 millions – est clairement une nécessité.
À cet égard, le projet de loi a l’avantage de prévoir des mesures concrètes pour endiguer les jeux d’argent illégaux, comme le blocage des sites Internet non autorisés. Le renforcement des sanctions pénales complète ces mesures, qui visent à ce que les bénéfices des jeux d’argent soient bien affectés à l’AVS et à l’AI ou aux projets d’utilité publique au lieu d’enrichir des opérateurs privés à partir de refuges fiscaux.

Le projet prévoit aussi l’exonération fiscale de tous les gains à des jeux d’argent. Quels sont les effets attendus ?
J-L M-B : Actuellement, les gains issus des loteries et des paris sportifs sont soumis à l’impôt sur le revenu, ce qui n’est pas le cas des gains acquis dans les maisons de jeu, libres, quant à eux, de toute imposition. À bon escient, le projet de loi supprime cette inégalité et instaure une situation qui prévaut dans d’autres pays en exonérant l’ensemble des gains réalisés grâce aux jeux d’argent. Cette nouvelle conception rendra les jeux de loterie et les paris sportifs plus attrayants et permettra par conséquent de générer des bénéfices supplémentaires en faveur des projets caritatifs, culturels et sportifs. Elle contribuera en même temps à freiner l’exode des joueurs vers les offres illégales ou non fiscalisées des pays voisins.

Les débats parlementaires débuteront bientôt. Êtes-vous confiant en leur issue ?
J-L M-B : Je suis confiant dans le projet proposé, dans la mesure où celui-ci a été élaboré en collaboration avec les représentants de la Confédération et des cantons, du secteur des jeux d’argent et du milieu socio-sanitaire. Le projet tient compte ainsi des intérêts de tous les acteurs concernés. Il propose des solutions pertinentes pour un certain nombre de questions sensibles. Au vu des concessions faites par les exploitants de jeux, il convient cependant que l’équilibre et la cohérence du projet ne soient pas compromis par des amendements qui porteraient atteinte à la compétitivité des sociétés de loterie. Tout en évitant d’inciter à l’excès et à la dépendance, celles-ci doivent pouvoir exploiter des jeux modernes, attrayants et rentables, si l’on veut garantir la stabilité à long terme des bénéfices distribués à l’utilité publique. Il s’agit de fixer un nouveau cadre législatif adapté à la mission et aux responsabilités des deux grandes loteries suisses, la Loterie Romande et Swisslos, dont les bénéfices revêtent un caractère essentiel et indispensable au soutien des projets caritatifs, culturels et sportifs.


CultureEnJeu, au service du bien public – Par Gérald Morin, rédacteur en chef

Le 17 avril 2002 – il y a déjà plus de 13 ans – les artistes romands se mobilisaient en association, sous l’appellation enJEUpublic, pour la sauvegarde et le développement des ressources financières des artistes de toute la Suisse. EnJeupublic prenait notamment la défense du principe de répartition de tous les bénéfices des jeux d’argent à des activités d’utilité publique régionale et celui de la garantie que la répartition des fonds destinés à la culture issus des bénéfices des jeux de loterie soit assurés par des organes indépendants des services de l’État. Ces buts, ils se les étaient fixés et ils continuent à les défendre.