Édito n°48, décembre 2015

Numéro 48 – Décembre 2015

La course aux financements. Lorsque je dirigeais le Festival du Film de Genève – Stars de demain, il me fallait à la fois donner vie au contenu artistique de la manifestation et trouver de quoi la financer. Le financement d’une institution ou d’un événement culturel relève presque toujours du même parcours du combattant.

J’entreprenais mes premières démarches auprès des organes de subventions publiques – l’Office Fédéral de la Culture, le Canton et la Ville de Genève ainsi que les communes genevoises – leurs réponses mettant toujours de nombreux mois à parvenir. L’issue de la requête dépendait aussi bien de la valeur du projet et de son impact sur la société que de l’origine politique et sociale du demandeur. Mais une fois la subvention obtenue, aucune pression n’était exercée sur le festival.

Venaient ensuite les demandes à des institutions privées : des fondations, des particuliers fortunés et surtout la Loterie romande, le plus grand mécène de Suisse romande. Ici aussi, les demandes de retour en visibilité étaient si raisonnables que l’on pouvait presque considérer leur apport comme des dons. Parfois, cependant, les autorités de la sainte république du bout du lac, tiquant devant la contribution financière d’une personnalité étrangère, insistaient, à tord ou à raison, pour que nous y renoncions.

Enfin, c’était la course aux sponsors. On avait à l’époque encore recours aux producteurs de cigarettes et d’alcool qui courtisaient volontiers les festivals. Période révolue. Il y avait aussi bien sûr les grandes banques, la Poste, Swisscom et tant de petites sociétés locales. Malgré leurs exigences de retour sur investissement, comment aurions-nous pu clore notre budget sans ces trois sources classiques de financements ?

Il est illusoire d’opposer contributions publiques et participations privées. Les institutions et les événements culturels doivent surtout veiller à ce que leurs finalités ne soient pas dénaturées par l’arrogance éventuelle de ceux qui prétendent en assurer l’existence et le fonctionnement. Quand, pendant le Festival de Locarno, sur la piazza grande on entendait une partie du public siffler la présence sur l’écran du logo de l’UBS, on était en pleine ambiguïté. Sans ce grand sponsor, le festival aurait-il pu avoir lieu ?

Le dossier proposé dans ce numéro décortique cette course inévitable aux finan­ce­ments qui permettent à notre vie culturelle de trouver place dans la cité.


Loi sur les jeux d’argent

Le 21 octobre dernier, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le projet de loi sur les jeux d’argent en proposant aux chambres de l’accepter. Les nouveautés pour la Loterie Romande et pour Swisslos : les gains et les paris ne seront plus soumis à l’impôt et les sites étrangers de jeux illégaux pourront être bloqués.

Il s’agit non seulement de réglementer de manière cohérente l’ensemble des jeux d’argent, mais également de prévoir un cadre législatif adapté à la mission des loteries qui distribuent chaque année près de 600 millions de francs aux œuvres caritatives, culturelles et sportives. Dans un environnement toujours plus concurrentiel, il est primordial que les loteries puissent rester compétitives, si l’on veut garantir la stabilité des montants distribués à l’utilité publique dans les décennies à venir. De ces 600 millions, 200 millions sont redistribués en Suisse romande dont 90 millions sont versés annuellement à plus de 1’000 entités culturelles : la Cinémathèque suisse, la Fondation Gianadda, l’Abbaye de St Maurice, le Théâtre de Vidy, le Festival de la Cité, le Festival Jazz Onze+, le Ballet Béjart, le Festival du film de Fribourg, le Théâtre des Osses, la Fondation Romande pour le Cinéma, la compagnie du Passage, le Festival International du Film Fantastique de Neuchâtel, la Fondation Martin Bodmer, la BiblioBus Médiathèque-Université populaire de Delémont…

Que deviendraient tous ces lieux et manifestations culturels sans le mécénat de la Loterie romande ?