Jeux d’argent : quelle suite à la votation du 11 mars 2012 ?

Numéro 34 – Juin 2012

Le 11 mars 2012, le peuple et les cantons ont dit OUI à une très large majorité au nouvel article constitutionnel sur les jeux d’argent. Après ce vote historique en faveur du bien commun, d’autres défis importants attendent les loteries d’utilité publique. Faisons une brève mise au point.

Le dimanche 11 mars 2012, l’« arrêté fédéral concernant la réglementation des jeux d’argent en faveur de l’utilité publique » a été accepté par le peuple suisse à une très nette majorité, par 87 % des voix, ainsi que par la totalité des cantons. Cette décision historique permet de pérenniser la distribution des bénéfices issus des jeux de loterie et des paris sportifs à des projets d’utilité publique. Engendré par le succès de l’initiative populaire fédérale Pour des jeux d’argent au service du bien commun, déposée en automne 2009 et munie de plus de 170’000 signatures valables, ce nouvel article constitutionnel reprend les éléments essentiels de l’initiative, tout en intégrant des mesures de prévention et de lutte contre la criminalité économique et le jeu excessif.

La très large acceptation du texte soumis au vote témoigne de l’attachement de la population envers le système des loteries d’utilité publique. Non seulement le nouvel article clarifie la mission des opérateurs de jeux d’argent dans notre pays, mais il garantit surtout que les bénéfices des sociétés de loterie continueront d’être versés exclusivement aux œuvres caritatives, culturelles et sportives. Dans la foulée, le nouvel article 106 sur les jeux d’argent confirme, au plan constitutionnel, la souveraineté des cantons en matière de loteries. Il offre en effet une plus claire délimitation des compétences entre la Confédération (maisons de jeu) et les cantons (loteries et paris sportifs). Cette meilleure délimitation est à même de permettre un développement adéquat de chacun des acteurs principaux du secteur, casinos et sociétés de loterie, et d’éviter, par la même occasion, des litiges tels que ceux qui ont émergé ces dernières années et qui ont dû être tranchés par les tribunaux, après parfois de longues procédures (comme dans l’affaire des distributeurs Tactilo, par exemple).

Un autre aspect positif du nouvel article constitutionnel est qu’il impose à la Confédération ainsi qu’aux cantons de tenir compte de l’ensemble des dangers inhérents aux jeux d’argent, comme le blanchiment, la criminalité connexe et la dépendance.

Un accent particulier a été mis sur la prévention et la lutte contre le jeu excessif, puisque aussi bien la Confédération que les cantons sont désormais tenus, explicitement, de favoriser un environnement de jeu sain et sécuritaire. Une telle obligation ne figurait pas dans l’ancien article constitutionnel.

Le nouvel article 106 sur les jeux d’argent confirme la souveraineté des cantons en matière de loteries.

Le grand succès de la votation du 11 mars, toutefois, ne doit pas faire perdre de vue les défis importants qui se profilent dans le domaine politique et juridique pour les loteries d’utilité publique. Des étapes cruciales autour des questions législatives suisses et européennes doivent encore être franchies. Si le nouvel article constitutionnel jette des bases adéquates pour la révision de la législation fédérale sur les jeux d’argent, les travaux en cours dans ce domaine doivent encore aboutir et des luttes d’influences entre différents protagonistes ne sont pas à exclure. Il est pourtant primordial, pour l’intérêt public, que la lettre et l’esprit du travail réalisé par les cantons et la Confédération pour élaborer le nouvel article constitutionnel soient respectés et poursuivis, afin de mettre sous toit une nouvelle loi qui puisse garantir l’application des principes plébiscités par la population le 11 mars dernier.

Dans le domaine des jeux en ligne par exemple, la pression toujours accrue qu’exercent sur les sociétés de loterie les opérateurs illégaux sur Internet, installés dans des territoires « offshores », nécessite des mesures fortes pour restreindre leur activité. À cet égard, seule une action résolue et concertée des autorités cantonales et fédérales permettra d’éviter que des pans entiers du secteur des jeux d’argent ne soient captés par des opérateurs illégaux, très nombreux à prospecter en Suisse et dont les bénéfices ne servent qu’à enrichir des investisseurs étrangers. Moralité ? Le combat pour l’utilité publique n’est jamais terminé et il se doit d’être constamment mené.