La chanson, c’est le plus petit produit culturel

Numéro 41 – Mars 2014

En trois minutes, en quelques couplets, quelques refrains, vous avez une histoire, un roman, un film entier ! Que l’on pense à La Mère à Titi de Renaud : tout est là, le décor, la vie quotidienne, la banlieue, les rapports entre les personnages !

Que Jacques Brel chante son Plat pays, vous voyez défiler devant vous mieux que tous les documentaires sur la Belgique ! Avec la poésie et les frissons en plus.

Écoutez La Pinte vaudoise ou La Partie de cave de Jean Villard-Gilles, c’est tout le canton de Vaud, c’est toute l’âme vaudoise qui est là, ce sont les vignes pentues du Lavaux, et la lune qui « se reflète au profond de l’eau qui dort »…

Contrairement à tous les autres produits culturels, la chanson peut vivre sans support. Pour remplir son rôle, le cinéma a besoin d’un écran et d’un projecteur, ou au moins d’un DVD et d’un lecteur. La littérature n’existe pas sans papier, sans ordinateur ; la peinture nécessite une toile, la sculpture, un morceau de pierre ou de ferraille…

La chanson ? Infiniment portable et pratique, elle se moque de ces béquilles. Vous pouvez la mettre au fond de votre mémoire, l’emmener partout, et la faire renaître au moment que vous choisirez ! Elle n’encombre pas vos bagages, elle ne fera sonner aucun portillon de sécurité, et vous pourrez sans risquer la moindre question, passer tranquillement avec elle devant les douaniers les plus suspicieux !

La chanson peut vivre sans support. Infiniment portable et pratique, vous pouvez la mettre au fond de votre mémoire, l’emmener partout et la faire renaître au moment opportun !

C’est l’objet d’art idéal. On ne le répétera jamais assez. […]

Dans les années septante, le public nous accueillait les bras ouverts, nous avions le même accent que lui, la même façon de nous exprimer, et la même terre à nos semelles. Il n’était pas question de se replier sur soi, bien au contraire ! Il s’agissait d’offrir, il s’agissait de partager ! Comme Vigneault nous racontait ses pêcheurs de Natashquan, comme Victor Jara mettait en scène Amanda des faubourgs de Santiago, Claude Ogis, chez nous, parlait d’une petite mère du Marché de Bourg, et Gaby Marchand nous emmenait dans les bistros de la Basse-Ville de Fribourg.

L’universel était partout, dans chaque femme et chaque homme, dans chaque paysage…

Notez que le titre de l’article est une référence à La chanson est une clé à molette de Michel Bühler, essai, camPoche, 2011 Bernard Campiche Éditeur.