Mon métier, c’est le partage

Numéro 41 – Mars 2014

Je suis tombé dedans quand j’étais petit ! Mes oncles, mes cousins, toute la famille chantait et connaissait des centaines de rengaines. Il y était question de bergers, de soldats, de princesses et de servantes. Certaines, coquines, que je ne comprenais pas vraiment, faisaient rougir les tantes et ma mère. J’ai compris que la chanson pouvait être un roman, un film, un tableau.

Plus tard mon frère m’a fait connaître Brassens, puis Brel et Ferrat. Constatant que les chansons que j’entendais à la radio ne parlaient jamais des gens de chez nous, de mes voisins, je me suis mis à écrire vers les vingt ans. Chanter l’ouvrier d’usine, les copains des virées montagnardes, mon père, ou les filles qu’on embrassait sur les sentiers, c’était donner à ces gens un surplus d’existence, les draper de dignité. Cette certitude ne m’a pas quitté.

Le compagnonnage avec Gilles Vigneault, m’a conforté dans cette idée que l’on pouvait, partant du particulier de Natasquan ou de Ste-Croix, atteindre à l’universel.

Au fil des années, des voyages et des rencontres, mes sources d’inspiration se sont diversifiées. Ma motivation première n’a pas changé : je veux parler des gens et des paysages que j’ai connus, je veux créer des liens entre ce que j’ai vu et ceux qui viennent m’écouter.

Nikos Kazantzaki disait : « Vivre, pour l’arbre, c’est prendre de la boue et en pétrir des fleurs ». C’est ce que je tente de faire depuis plus de quarante ans.