Ainsi parlait un viel indien

Numéro 41 – Mars 2014

Dans les années 1880, un chef indien, le chef Seattle, écrivait au président des États-Unis. Sa lettre qui a traversé le temps est l’un des plus beaux textes que je connaisse, et montre l’opposition entre deux civilisations. L’une, considérant l’homme comme un fragment de ce grand tout qu’est la nature, vit en harmonie avec son milieu, qu’elle traite avec respect. L’autre au contraire est prédatrice, soucieuse uniquement de profit, et prête à massacrer l’environnement pour quelques dollars de plus. Le message du chef Seattle, calme et digne, est évidemment d’une actualité brûlante.

M’inspirant du texte initial, j’ai écrit cette chanson. Bien qu’elle n’ait pas le poing levé, bien qu’elle ne brandisse pas de drapeau, c’est peut-être ce que l’on nomme par commodité une « chanson engagée »... En tous cas, c’est une chanson qui devrait susciter la réflexion.

Il me semble que j’ai trouvé là une bonne osmose entre les paroles et la musique. De toutes celles que j’ai écrites, c’est ma préférée.

Michel Bühler, Ainsi parlait un vieil indien, 1987

Vous voulez acheter nos terres
Et vous nous parlez d’amitié
Votre âme blanche est un mystère
Nous ne nous comprendrons jamais
Nous ne possédons pas la course
Du cheval, ni le bruit des sources
Ni la forêt, ni l’horizon
Comment pourrions-nous vous céder
L’oiseau, le nuage nacré
Les insectes dans le buisson ?
Ici rien ne nous appartient
Ainsi parlait un vieil Indien
L’herbe, la roche, la rivière,
Pour nous toute chose est sacrée
Le ciel écoute nos prières
Il fait refleurir nos étés
La sève garde ma mémoire
La brise raconte l’histoire
De notre peuple à nos enfants
Et l’eau, ce n’est pas que de l’eau,
C’est ma sœur, douce à mon canot
Qui frémit au moindre courant
Dans le sol dorment nos anciens
Ainsi parlait un vieil Indien
J’ai vu, et vous le savez bien,
Mille bisons sur la Prairie
Vous les tirez depuis vos trains
Pensez-vous acheter la vie ?
Vous êtes comme la nuée
Comme celui qui vient voler
Comme la crue après la pluie
Rien ne semble vous rassasier
Nous n’avons rien à vous donner
Vous souillez votre propre lit
Nous chassons quand nous avons faim
Ainsi parlait un vieil Indien
Vous portez l’odeur de la mort
Nos femmes, vous les humiliez
Vous êtes aujourd’hui les plus forts
Dieu s’est mis de votre côté
Nous n’avons donc pas d’autre choix
Que cette réserve là-bas
Pourquoi parlez-vous de traité ?
Voici le couchant de nos jours
Vous l’apprendrez à votre tour :
La force est un maître léger
Mais qui vous pleurera demain ?
Ainsi parlait un vieil Indien
Mais qui vous pleurera demain ?
Ainsi parlait un vieil Indien…