Projet de loi fédérale sur l’encouragement de la culture – Coup de balai dans l’usine à gaz

Numéro 7 – Septembre 2005

Pascal Couchepin ne voulait pas d’une « coquille vide ». Le projet de loi sur l’encouragement de la culture assorti de la révision de celle de Pro Helvetia[1], en consultation jusqu’à la fin octobre, propose surtout de mettre de l’ordre dans l’embrouillamini des guichets nationaux de la culture. Ce qui n’est pas un mal ! Reste dès lors aux milieux artistiques à constituer un lobby efficace pour que cette loi s’étoffe de retombées financières consistantes.

Non, l’instauration d’un Ministère de la culture (avec l’éducation), notamment prôné par enJEUpublic, ne figure pas au nombre des 29 articles du projet de loi sur l’encouragement de la culture approuvé par le Conseil fédéral en juin dernier, et maintenant en consultation auprès des cantons, communes, institutions et associations. Aucune rallonge financière n’étant à la clé, ce projet ne va pas non plus améliorer dans l’immédiat l’ordinaire des artistes.

Le bénéfice de ce projet, non négligeable pour l’essor de la culture, est donc surtout politique, comme l’affirme d’ailleurs l’Office fédéral de la culture (OFC) : « La loi sur l’encouragement de la culture constitue une conquête importante dans la vie culturelle en Suisse. Pour la première fois, la collaboration en matière culturelle de la Confédération avec les cantons, villes et communes, mais encore aussi avec les organisations culturelles et le secteur privé, est réglée au niveau d’une loi. »

Sauver les meubles

Cinq ans après l’entrée en scène de la culture dans la Constitution suisse[2], le projet de loi qui en découle s’inscrit dans un contexte d’attaques frontales et de « régime minceur » budgétaire : si l’OFC, en juin dernier, a échappé à la fronde d’une UDC caressant l’espoir de tailler 110 millions de francs en trois ans de son budget annuel de 220 millions (!), il doit néanmoins endurer une réduction globale de 20 millions jusqu’en 2008, tandis que Pro Helvetia écope pour sa part de 1,75 million sur 33. En 2005, la fondation a par ailleurs laissé un million sur l’autel des pourfendeurs d’une culture soudainement symbolisée par la seule œuvre de Thomas Hirschhorn !

La désignation de l’OFC comme pilote de la politique culturelle de la Confédération devrait sonner le glas de l’ère des dissonances et de la concurrence

Déclenchée à la hussarde par Pascal Couchepin, la campagne de presse de l’été dernier fustigeant le gaspillage de l’argent du contribuable dans la culture (la fameuse « usine à gaz ») a évidemment donné des ailes à ses ennemis ! En août dernier, le chef du Département fédéral de l’intérieur a d’ailleurs implicitement reconnu, au Festival de Locarno, avoir « mis le feu au lac » !

Enfin un pilote dans l’avion

Les projets de loi supervisés par le même Pascal Couchepin affichent dès lors un profil plutôt bas. Réclamée de toutes parts, la cohérence des compétences entre les diverses officines et annexes fédérales impliquées dans la promotion culturelle tient en effet lieu de priorité. La désignation de l’OFC comme pilote de la politique culturelle de la Confédération devrait ainsi sonner le glas de l’ère des dissonances et de la concurrence. Il était temps ! Jean-Frédéric Jauslin, son nouveau directeur, l’atteste : « ...le rôle de coordination des activités culturelles assigné à l’OFC par le Conseil fédéral va impliquer des changements. Je ne vois plus l’OFC dans le rôle de pourvoyeur de fonds actuel, versant quelque 30 millions de francs à Pro Helvetia sans se soucier vraiment de l’utilisation faite de cette somme. Pour éviter l’intégration de la fondation dans l’OFC, qui serait préjudiciable à sa proximité avec les créateurs, le modèle d’un mandat de prestations me semble approprié. Il permettra à l’OFC non pas de tout décider, mais de définir des objectifs avec la fondation et d’évaluer avec elle les résultats obtenus. Jusqu’ici, un simple message était annexé au budget de Pro Helvetia, mais ce n’était pas ce que j’appelle un véritable mandat de prestations qui fixe des objectifs et des moyens d’en contrôler l’application au terme de la période convenue. » (Ciné-Bulletin, août 2005). Si Pro Helvetia échappe à l’incorporation à l’OFC et conserve son autonomie, sa marge de manœuvre va se restreindre sensiblement.

Subsidiaire toi-même

Avec le concours des cantons, des communes et des milieux intéressés, la Confédération devra par ailleurs soumettre au Parlement un programme prioritaire de quatre ans – et concevoir les instruments d’encouragement adéquats – qui donnera non seulement le cap à Pro Helvetia, mais à l’ensemble de la politique culturelle suisse. Ce rôle moteur de la Confédération, souhaité de longue date, ne va pas de soi. Car bien que la Constitution lui assigne un rôle subsidiaire2, elle n’entend pas rester à la traîne des cantons et des communes, comme le confirme Jean-Frédéric Jauslin : « Selon moi, le terme de subsidiarité signifie que la Confédération peut prendre des initiatives pour autant que les cantons et les communes soient consultés, non pas qu’elle est condamnée à simplement suivre un mouvement initié par les autres partenaires. »

En 2007, lors de l’entrée en vigueur prévue de la loi sur l’encouragement de la culture et de la révision de la loi Pro Helvetia, que restera-t-il des projets après le processus de consultation et l’étrillage du Parlement ? La balle est aujourd’hui dans le camp des milieux de la culture, qui ont jusqu’à fin octobre pour les enrichir ou les laisser partir en l’état au casse-pipe parlementaire !


[#1] Documents téléchargeables sur www.culture-suisse.admin.ch

[#2] Art. 69 Culture (1er janvier 2000) :
1) La culture est du ressort des cantons.
2) La Confédération peut promouvoir les activités culturelles présentant un intérêt national et encourager l’expression artistique et musicale, en particulier par la promotion et la formation. […]