« Arrêtez de faire sans nous ! »

« Arrêtez de faire sans nous ! »

Compte-rendu : Marie Butty, rédactrice 

Ce sont les dreadlocks les plus célèbres de l’histoire culturelle suisse récente : l’an dernier, un concert de reggae avait été interrompu à Berne au motif d’appropriation culturelle. Une table ronde lausannoise est revenue sur la question.

C’est en juillet 2022 que l’affaire, désormais appelée des « rastas blancs », enflammait les débats autour du sujet de l’appropriation culturelle. Pour rappel, le groupe de musique Lauwarm, dont deux membres portent des dreadlocks, a dû interrompre sa prestation à Berne et s’est vu déprogrammer un concert à la suite d’accusations d’appropriation culturelle. Ce terme désigne la reprise d’éléments provenant de la culture d’un groupe minoritaire et dominé par un groupe majoritaire.

Lors d’une table ronde publique qui s’est tenue en avril dernier dans l’espace socio-culturel lausannois Pôle Sud, les intervenant·e·s étaient invité·e·s à s’exprimer sur la thématique « D’où tu causes ? ». Cette rencontre était organisée en collaboration avec le Pôle pour les Etudes Africaines de la faculté des Lettres de l’Université de Lausanne et la Société Suisse d’Etudes Africaines. Son but : entendre les différents points de vue à propos des participations culturelles afin de dépasser les discours de fracture entraînant la polarisation radicale des identités.

Recentrer le débat

Tous les sujets abordés lors de cette discussion, que ce soit dans les domaines de la musique, de la littérature ou encore du théâtre, arrivent à la même conclusion : le débat autour de l’appropriation culturelle n’est pas posé dans les bons termes. Le problème réside davantage dans les inégalités structurelles liées à la couleur de peau, encore très présentes dans nos sociétés occidentales. On en parle si peu qu’en fin de compte, elles rejaillissent ailleurs, comme dans le cas du groupe de reggae Lauwarm. Les tensions ne sont pas en tant que telles liées au port de dreadlocks ; elles résident davantage dans le choix d’un groupe de musique composé de personnes blanches dont le savoir ne provient pas de la transmission d’une tradition ancestrale.

Le débat doit donc être reposé autour de l’égalité des chances et des opportunités : est-ce que ce concert serait proposé à un groupe de musique composé de personnes noires ? Le questionnement autour de l’appropriation culturelle ne devrait en effet pas cacher le vrai problème, à savoir le manque de participation de certaines personnes en raison du racisme structurel. Pamela Ohene-Nyako, fondatrice de la plateforme AfroLitt.com et présente lors de la table ronde lausannoise, est d’avis que les réactions viennent de personnes structurellement discriminées et qu’elles doivent être comprises d’une manière plus profonde et plus large. D’où l’importance d’arrêter de faire sans elles.

 

Une vision idéalisée du dialogue

Bien que des efforts aient été entrepris par la Confédération depuis plus de dix ans dans le domaine de la participation culturelle, Pamela Ohene-Nyako pose la question de la provenance des solutions proposées et mises en place. En effet, si les décisions prises en rapport avec la participation culturelle ne sont pas réfléchies avec les personnes concernées, elles ne mènent pas à de véritables solutions. Abondant dans le même sens, le poète et historien à l’Université de Bâle HenriMichel Yéré – également présent lors de la discussion à Pôle Sud – a utilisé un exemple bien helvétique : à ce jour, il n’y a encore jamais eu de personne de couleur au Conseil fédéral.