Aujourd’hui, l’ennemi, c’est le canapé
« Aujourd’hui, l’ennemi, c’est le canapé »
Après un an d’arrêt, la revue CultureEnJeu a redémarré fin 2022. Selon le cinéaste Frédéric Gonseth, président du comité de l’association éponyme, la mission du magazine est plus actuelle que jamais.
Interview : Patricia Michaud, journaliste
La première édition de CultureEn-Jeu a paru en 2004, portée par une association créé deux ans plus tôt. Dans quel contexte est née cette dernière ?
Tout est parti du projet fédéral de révision de la Loi sur les loteries et les paris. Nous pensions que la Loterie Romande (LoRo) était menacée de disparition. Or, la LoRo constitue une importante source de soutien pour les milieux culturels. Il s’agit d’un organe non-étatique, qui al- loue des montants substantiels, tous secteurs confondus et sur la durée. En Suisse romande, c’est par ailleurs la seule instance supra- cantonale – hors-RTS – d’aide à la culture.
Pourquoi avoir lancé un magazine dans la foulée ?
A peine l’association a-t-elle démarré son combat que nous avons réalisé que nous avions de bonnes chances de succès. Mais il fallait rallier tous les secteurs culturels à notre cause, coordonner l’action. Quel meilleur moyen qu’une revue pour y parvenir, d’autant que la LoRo nous garantissait – assez logiquement – son soutien financier ?
Votre lutte a été couronnée de succès…
En effet. D’ailleurs, ce succès en a étonné plus d’un. Dans les milieux politiques, personne ne nous avait vu venir… On pourrait même parler de double succès. Au niveau politique bien sûr, parce que c’est l’action de notre association qui a entraîné l’initiative populaire « Pour des jeux d’argent au service du bien commun» et, par ricochet, les deux votations de 2012 et 2018. Mais aussi au niveau culturel. Car en fédérant les divers secteurs culturels autour de notre combat, on est parvenu à accroître leur médiatisation et, dans plusieurs cas comme celui du cinéma, à augmenter les soutiens financiers.
Après une année d’arrêt lié à la pandémie, CultureEnJeu a repris du service en décembre dernier ; pourquoi la publication de la revue est-elle toujours pertinente?
La culture, qui tirait déjà la langue avant la crise Covid-19, est désormais moribonde. Dans ce contexte, les acteurs de la branche doivent dépenser tellement d’énergie pour aller chercher le public qu’ils n’en ont plus pour faire de la politique culturelle. La mission du magazine est donc plus actuelle que jamais : il est là pour sensibiliser à la fois à l’interne et à l’externe, pour mettre en lumière les enjeux les plus importants.
Quels sont-ils, ces enjeux ?
Il y a vraiment un repli du public, qui s’est amplifié depuis la pandémie. Plutôt que d’aller au cinéma, au théâtre, dans les musées, les gens restent chez eux, devant des écrans. Avant, l’ennemi, c’étaient ceux qui voulaient détruire la LoRo. Maintenant, l’ennemi, c’est le canapé. Mais comment peut-on se battre contre une armée de canapés ? (Rires) Ce qui m’inquiète, c’est de constater que la solidarité entre les artistes, entre les branches de la culture, est mise à mal en raison d’une concurrence accrue pour attirer le public. Là aussi, Culture- EnJeu peut contribuer à tirer la sonnette d’alarme.