Et pourquoi n’y aurait-il pas un Ministère de la culture ?

Numéro 23 – Septembre 2009

Depuis sa fondation en un État moderne et démocratique en 1848, la Suisse est tirée régulièrement à hue et à dia par des forces contraires : fédéralisme et centralisme. Disons rapidement que les audaces et le progrès nous sont venus des villes et tendaient à la centralisation. Les grandes régies – PTT, chemins de fer fédéraux – ont été fondées contre des oppositions conservatrices. Le premier Conseiller fédéral catholique conservateur, Joseph Zemp, avait combattu ardemment la création des CFF. Pour être élu au Conseil fédéral, en 1891, il avait dû manger son chapeau ; on lui confia aussi sec le Département des postes et des chemins de fer.

Pourtant, cette lutte des contraires, avec ses lenteurs et atermoiements, est aussi notre chance. Que l’on cède au fédéralisme et on ne tardera pas à étouffer dans une somme de localismes folklorisés. Le principe de subsidiarité qui prévaut dans maints domaines et en particulier celui de la culture, en donnant pratiquement un droit de véto aux communes et cantons, peut aussi condamner à mort tout projet d’envergure. On l’a vu récemment avec l’échec du projet de la Maison de la danse à Genève, condamné par quelques dizaines de voix communales. D’un autre côté, il nous préserve aussi d’innovations bling-bling à la mode du jour, prises dans la précipitation, destructrices de notre continuité historique et culturelle. La lutte des contraires a contraint la Confédération à l’art de la négociation et de la concertation.

Finalement, les choses ont avancé, comme la Venoge qui a tout de même un bien joli débit.
Il faut un Ministère de la culture comme chef d’orchestre, non une dictature de réalisations culturelles qui écraseraient tout le reste, mais tout de même une volonté qui manifeste la dimension nationale dans le respect de la diversité culturelle. Une instance qui soit le dépositaire de cette diversité qui ne s’enferme pas dans une logique d’archiviste, d’une diversité vivante et dynamique reposant sur une négociation permanente entre nos contraires.

Nous avons besoin d’un Ministère de la culture pour apporter au pays cette plus-value culturelle qui dépasse la somme des capacités cantonales. L’un des fondements de la Suisse est son identité multilingue. Il faut une instance pour veiller à son entretien, donner l’impulsion à des initiatives qui la renforcent. Nous courons actuellement le risque majeur d’une monoculture linguistique enfermée dans ses dialectes, que le recours à ce pidgin anglo-américain véhiculé par les médias électroniques conforte. Le rêve américain qui s’est emparé de la métropole UBS de la Bahnhofstrasse nous a non seulement conduit dans des culs-de-sacs financiers, mais il masque un localisme alémanique qui fantasme son rattachement au monde en ignorant le reste de la Suisse.

Enfin, nous avons des valeurs, une originalité culturelle à défendre dans le concert des nations : notre identité multilingue, signe d’une modernité visionnaire, qui a évité à la Suisse de sombrer dans les impasses irlandaise ou turque. La Suisse ne se limite pas aux seules plaques de chocolat et aux pendules qui font coucou, que diable !


Nous avons besoin d’un Conseil de la culture suisse

Loi sur l’encouragement de la culture • Loi Pro Helvetia
janvier 2008 • source : www.suisseculture.ch

Nous avons besoin d’un Conseil de la culture suisse – comme prévu dans des versions antérieures du projet de Loi sur l’encouragement à la culture – qui assiste l’administration fédérale dans ses décisions en matière de politique culturelle, réaffirme Suisseculture.

« Les premiers projets d’une Loi sur l’encouragement de la culture prévoyaient une ‹ Commission fédérale de la culture ›. Les acteurs culturels ont salué cette initiative, voyant en elle une institutionnalisation des échanges et un organe de débat sur la conception de la politique fédérale culturelle. L’idée a, hélas, disparu des projets ultérieurs. De vastes milieux s’accordent à dire, d’entente avec les acteurs culturels, qu’une politique fédérale culturelle dotée d’une assise démocratique a besoin d’un Conseil de la culture représentatif, réunissant des personnalités compétentes.

Un groupe de travail composé de représentants issus de la création artistique, de la diffusion de la culture, des villes et des cantons avait mis au point, l’an passé, une première proposition d’article de loi dans ce sens :

Le projet
Art. 24a (nouveau) Conseil de la culture

  1. Le Conseil fédéral nomme le Conseil suisse de la culture doté de 13 membres ainsi que leur président ou présidente.
  2. Les acteurs culturels, les cantons, les villes et… proposent au Conseil fédéral… représentants ou représentantes au choix.
  3. Le Conseil de la culture est une instance spécialisée indépendante dont les membres représentent une pluralité d’aspects de la vie culturelle et de la diffusion de la culture en Suisse. Le Conseil de la culture sert de trait d’union entre les autorités, les organisations et acteurs culturels et les institutions culturelles.
  4. Le Conseil de la culture :
    • assiste le Conseil fédéral en matière de politique culturelle ;
    • prend position à l’attention du Département fédéral de l’intérieur sur le projet de mes­sage conformément à l’article 24, 1er alinéa ;
    • suit le développement culturel de la Suisse, évalue les besoins des acteurs et institutions culturels et peut émettre des recommandations relatives à l’aménagement de la politique culturelle.
  5. L’Office fédéral de la culture dirige le secrétariat du Conseil de la culture.