Le prix fixe du livre : vive la loi Maitre-de Buman !

Numéro 30 – Juin 2011

Depuis 2005, CultureEnJeu milite pour le prix unique du livre, un des moyens nécessaires – mais pas suffisants ! – pour enrayer la terrible hémorragie des librairies en Suisse romande. La décision du Parlement fédéral peut donc être accueillie avec joie. Mais la cause des petites librairies n’est pas encore gagnée, loin de là. Et celle de l’édition romande, des auteurs romands, encore moins. Le moment est venu de reprendre l’idée d’un fonds de soutien aux libraires, éditeurs, auteurs et traducteurs romands. Il pourrait être alimenté par une taxe prélevée à l’achat de tous les livres – une modique taxe d’un franc suffirait – et affectée uniquement aux acteurs romands de la chaîne du livre. Cette taxe serait d’autant mieux acceptée par le consommateur qu’elle serait largement absorbée par la baisse attendue – espérée ! – du prix des livres dans la foulée de l’instauration du prix unique.

Le 18 mars 2011 restera un jour historique pour la diversité culturelle en Suisse. C’est en effet ce jour-là que les chambres fédérales ont accepté la loi sur le prix réglementé du livre. Tous les pays qui nous entourent l’avaient fait avant nous. Au Salon du livre de Paris, on fêtait cette année les trente ans de la loi Lang. Les parlementaires qui ont défendu la loi ont soutenu l’exception culturelle, acceptant l’idée que le livre n’est pas une marchandise comme une autre. (Par Françoise Berclaz-Zermatten)

Le 18 mars 2011 restera un jour historique pour la diversité culturelle en Suisse. C’est en effet ce jour-là que les chambres fédérales ont accepté la loi sur le prix réglementé du livre. Tous les pays qui nous entourent l’avaient fait avant nous. Au Salon du livre de Paris, on fêtait cette année les trente ans de la loi Lang. Les parlementaires qui ont défendu la loi ont soutenu l’exception culturelle, acceptant l’idée que le livre n’est pas une marchandise comme une autre.

L’UNESCO avait montré la voie en adoptant, en octobre 2005, une convention que la Suisse a ratifiée et signée, qui reconnaît au livre son caractère culturel et l’affranchit des règles du commerce inter­national.

Au Parlement, le débat sur le prix réglementé du livre a duré sept ans. C’est en effet en mai 2004 que le regretté Jean-Philippe Maitre avait déposé son initiative parlementaire, relayé ensuite par Dominique de Buman.

Messieurs Maitre et de Buman avaient, à l’époque déjà, vu les enjeux de ce débat ; ils avaient compris que la nécessité d’une loi ne con­cernait pas seulement la défense de la ­li­brairie indépendante, mais bien de toute la chaîne du livre, de l’auteur au lecteur, en passant par l’éditeur.

Dans les années 2000, une guerre des prix entre deux grandes enseignes françaises a mis en danger jusqu’à faire disparaître une cinquantaine de librairies.

À Lausanne, il y a dix ans, un auteur romand trouvait ses livres chez Payot, à la Fnac, à l’Âge d’Homme, à la librairie des Écrivains, aux Yeux Fertiles, à la librairie de l’Ale, chez Reymond, à Forum, chez Artou ou encore à la Nef. Aujourd’hui, il ne reste que Payot, la Fnac et la librairie les Yeux Fertiles, qui déménage et se spécialise. Cinquante librairies disparues en si peu de temps et dans un si petit pays, quel appauvrissement culturel !

Les éditeurs suisses sont très inquiets de ces disparitions. L’accès à la culture pour tous et pour tous les livres implique que les éditeurs puissent continuer leurs publications. Pour être visible malgré l’abondante production de l’écrit, il est vital pour eux de disposer d’un vaste réseau de librairies, grandes et petites, attentif à faire connaître leur création.

Ceux qui ont le souci de la saine concurrence peuvent aussi être inquiets. Le discount sauvage des best-sellers aboutit à une forme de monopole dont on connaît les dangers :

  • Mort de la concurrence du fait de la dispa­rition d’un grand nombre de librairies.
  • Appauvrissement de l’offre : lorsqu’il ne reste que quelques chaînes de librairies, le choix de livres proposé est moins vaste. On trouve les mêmes ouvrages partout.
  • Prix sont à la hausse : tous les pays qui ont renoncé au prix unique du livre ont vu le prix des livres augmenter !

À propos du prix du livre, les gens font souvent l’amalgame entre le prix du livre en Suisse et le prix réglementé.

Le prix du livre dans notre pays est une notion économique qui dépend de plusieurs paramètres. Les 80 % des livres qui y sont vendus proviennent de l’étranger. C’est l’éditeur et/ou son importateur qui fixent le prix des livres ; le niveau de vie est différent, les salaires et les loyers sont plus élevés, les frais de stockage et d’importation sont importants. Il est irréaliste de penser que les livres puissent être vendus en Romandie au même prix qu’en France.

Le prix réglementé est un prix de vente, le même partout, dans les librairies, les super­marchés, les kiosques ou sur la toile. Toutefois, la loi prévoit un certain nombre de rabais tant aux particuliers qu’aux bi­blio­thèques et aux institutions.

Il est vrai qu’en ce moment, les livres sont trop chers en Suisse. Mais la loi fera baisser les prix parce qu’elle prévoit le contrôle de Monsieur prix.

On a beaucoup critiqué les diffuseurs suisses. Malgré leurs conditions élevées, ils exécutent un travail d’excellente qualité. Ce sont eux qui nous permettent d’être performants, de satisfaire une clientèle de plus en plus pressée. Sans eux, ce serait plus pauvre, car il n’y aurait plus de stock en Suisse, plus long, moins bien !

Cette loi permettra à la librairie indépendante de se maintenir et aux éditeurs suisses de continuer à produire des livres d’auteurs suisses et des livres à tirage plus restreint. Elle permettra aux écrivains de ce pays de rencontrer un public plus large. Elle va faire baisser le prix moyen de tous les livres et non pas uniquement des produits d’appel.

Vive la loi qui va permettre d’assurer la diversité culturelle et la qualité du service.

Merci à tous les parlementaires qui l’ont compris, merci au regretté Jean-Philippe Maitre, merci Monsieur de Buman.