La culture livresque est-elle rentable ?

Numéro 46 – Juin 2015

Lorsqu’on évoque les livres, il faut bien distinguer quels sont les partenaires du secteur. Soyons quelque peu didactique :

Commençons par l’incontournable, le roi de notre domaine, l’auteur. Il peut être écrivain, romancier, professeur, journaliste, critique, politicien, autodidacte. Il écrit le plus souvent à côté d’une autre activité. Il exerce rarement l’écriture à plein temps. Il n’y a qu’un tout petit nombre d’écrivains en Suisse qui peuvent vivre de leur plume, à part des réfugiés économiques, comme Paolo Coelho.

Pour simplifier à l’extrême, un auteur peut mettre un mois, un an, dix ans pour écrire un ouvrage. La réussite va dépendre de la vente de son livre. Il touche, pour simplifier : 10% du prix public du bouquin. Cela fait 3 CHF pour un livre à 30 CHF. Vente de 1’000 livres ? 3’000 CHF. Vente de 20’000 livres ? 60’000 CHF. Mais c’est bien rare. La vente moyenne d’un livre en Suisse romande est plus proche de 1’000 exemplaires. Sauf exception.

Bien sûr, si le succès est au rendez-vous, notre écrivain va toucher quelques deniers pour les traductions de son livre. Ou mieux encore, si un film venait à se réaliser sur la base de son travail. Mais c’est bien rare. Plus fréquemment, des écrivains suisses peuvent recevoir des subventions, des aides à l’écriture ; de leur ville, du canton, de Pro Helvetia, de la part de fondations, etc.

La plupart des auteurs d’ici travaillent par passion, par besoin d’écrire. Pour rêver. Mais rarement ou jamais par cupidité.

L’éditeur est un peu l’architecte du livre. Il choisit les manuscrits. Cela veut dire qu’il élimine une très grande majorité des propositions. Il ne se fait pas que des amis en refusant d’innombrables textes, qui peuvent, parfois, être de qualité. Quels sont les critères de l’éditeur ? La qualité d’écriture de l’auteur. La possibilité de placer un livre dans une collection. L’originalité de l’œuvre. Et surtout (s’il ne s’agit pas d’un livre subventionné), souvent le potentiel de succès qu’il va estimer. Et il peut se tromper. Ensuite, il va choisir le titre de l’ouvrage, son format. Il peut travailler avec l’auteur sur le nombre de pages (couper ou allonger un texte). Sur le choix de l’image, s’il y a lieu, de la couverture. Il fixe un prix public acceptable. Il fera corriger le travail. Il décidera du tirage. Il choisira un imprimeur. Il informera, mobilisera le(s) diffuseur(s). Il s’occupera de la presse.

Pour un éditeur (non subventionné), la publication d’un ouvrage n’est rentable que s’il en vend suffisamment. Cette quantité n’est pas standard. Elle dépend de nombreux paramètres. Disons que cela peut être entre 1’000 et 3’000 exemplaires vendus, non pas imprimés !

Il y a en Suisse romande une bonne cinquantaine d’éditeurs, dont disons une douzaine qui comptent fortement. Tous ou la plupart n’ont pas choisi cette activité pour s’enrichir. C’est assez rare. Les éditeurs ne sont pas bénévoles, mais auraient pu gagner bien plus avec d’autres métiers.

Les diffuseurs-distributeurs sont des acteurs peu connus de la chaîne du livre. Mais ils sont tous extrêmement importants. La tournée en librairies d’un représentant, c’est la diffusion. La distribution, c’est le stockage, la manutention, les paquets, les envois, la facturation, l’encaissement, les extrêmement importants réassorts. Tout cela est indispensable. Si ces travaux sont très efficaces, ce sera au grand profit du livre, des auteurs, des éditeurs et des libraires.

Les libraires sont tous des héros sur un plan : ils ont une petite marge (30 à 40% du prix public) pour vendre des livres en petite quantité, avec des stocks géants, à renouveler sans cesse. Leurs conseils peuvent contribuer au succès du livre.

On ne peut pas parler de livres sans évoquer un acteur essentiel du domaine : la presse. Un livre peut marcher sans presse. Par le seul bouche à oreille. Mais c’est plutôt rare. Un livre dont on parle multiplie ses chances de succès.

Le livre est-il rentable ? Je dirais que cela dépend pour qui. En tout cas, c’est extrêmement profitable à la société, à la jeunesse. C’est une manière de communiquer de la culture. D’une forme basique de la culture. Ne serait-ce que la transmission des grands classiques de la littérature.

Le théâtre et le cinéma sont intimement liés aux livres.
La littérature a une importance qui dépasse les métiers que nous venons d’évoquer !