Les fanfares et chorales, tremplins pour des carrières musicales
Les harmonies, fanfares, et chorales de village relèvent de la grande tradition suisse de l’expression musicale populaire qui s’est développée corollairement à nos institutions démocratiques, dans l’élan de la révolution radicale de 1847, une évolution qui n’est pas uniforme en Suisse romande.
Suite à la Réforme en terres protestantes, les pratiques de la musique et du chant ont été totalement proscrites et les traditions ancestrales se sont perdues. Il faut attendre le mouvement « zofinguien », les objectifs radicaux en termes d’éducation, pour voir réapparaître dans les cantons de Neuchâtel, Vaud, Berne et Genève de véritables activités musicales populaires, le chant étant considéré dès lors comme un moyen de formation de l’enfant. Historiquement, le contexte est différent dans les cantons catholiques de Fribourg et du Valais, où la pratique musicale, profondément liée à l’église, n’a jamais été entravée au cours des siècles et la tradition préservée dans toute sa richesse.
Le XIXe siècle marque donc le grand retour de la musique en Romandie. Dans la foulée de l’adoption de la Constitution de 1848 établissant l’instruction publique obligatoire, les autorités municipales et cantonales sollicitent de plus en plus les corps de musique et les chorales pour animer les manifestations qu’elles organisent. De nombreuses fêtes populaires et folkloriques sont créées, à l’image de la Fête des Vignerons, des concours et fêtes cantonaux et fédéraux divers qui regroupent les sociétés de musique et de chant. Dans chaque canton, des compositeurs rencontrent un vif succès auprès des corps de musique et chorales qui se développent dans nombre de villes et de villages romands. Il n’est que de citer les noms de Carlo Boller, Gustave Doret, Abbé Bovet, Jacques Dalcroze, toujours célèbres et célébrés aujourd’hui, pour se rendre compte de l’importance du mouvement.
Et s’il va de soi, que dès l’origine, ces activités musicales ont permis de resserrer le tissu social entre les habitantes et habitants d’un village, d’une cité ou d’une région, il n’est pas moins vrai que ces musiques ont aussi assuré l’intégration des populations nouvelles qui par la musique ont pu découvrir le mode de vie, le folklore, les traditions et les mythes locaux. Elles ont aussi facilité, amoindri les peines et douleurs dues à l’exode rural vers les villes en pleine période d’industrialisation de nos cantons.
Dans ces conditions, l’enseignement de la musique, et de la musique populaire en particulier, s’est structuré, dans l’ensemble de nos cantons. L’idée, généreuse et fort moderne, était de permettre à tous les enfants, tous les jeunes qui le souhaitent d’apprendre à jouer d’un instrument de musique, même s’ils habitent loin en campagne. C’est ainsi que sont nées à Genève, les écoles d’harmonie, de chant et de danse au côté des conservatoires, de l’Institut Jacques-Dalcroze, notamment, soit les Cadets, l’Ondine et nombre d’écoles villageoises et citadines.
Le chant s’est développé parallèlement au sein des chorales et cercles de chant, tout comme dans les écoles qui ont créé très vite leurs propres cercles, groupes artistiques d’enfants et d’adultes. À Genève, avec le Cercle choral apparaissent l’Écho d’Onex et la société chorale des Eaux-Vives. Les autres cantons ne sont pas en reste : songeons à la chorale du Brassus.
Plus que jamais, ces écoles qui accueillent des élèves de 5 à 20 ans, comme à Genève, participent à l’intégration d’une jeunesse d’origine étrangère et leur donnent la possibilité de se sentir à l’aise et respectés dans notre société, ses habitudes et ses spécificités. Et lorsque, toutes études musicales terminées, ces jeunes quittent les écoles, c’est le plus souvent pour venir étoffer les musiques dites d’adultes qui les sollicitent toujours vivement ou pour accéder à une Haute École de Musique (HEM).
Reste que de nombreuses activités s’offrent aux jeunes, que la concurrence est sévère, que l’apprentissage d’un instrument de musique est ardu et exigeant et que le recrutement des nouveaux élèves est plus difficile à Genève, par exemple, que dans les autres régions romandes. Il s’ensuit par exemple que le concours de jeunes musiciens de novembre 2017 a réuni à Genève quelque 30 participants, alors que la semaine précédente, dans le canton de Fribourg, il a réuni plus de 100 participants.
Aujourd’hui, malgré une foison d’activités musicales ou ludiques, la pratique musicale populaire est toujours vivante, même si elle est moins présente dans les médias et les réseaux sociaux.