©Anne-Laure Lechat

Andare avanti

Numéro 70 – Juin 2021

Rencontre avec Rolando Bassetti, directeur du CACY, Centre d’art contemporain d’Yverdon-les-Bains.

Dans la cuisine lausannoise du directeur du CACY, une affiche Belle Époque attire l’œil. « Lugano, grand hôtel, Métropole & Monopole », vision d’une période flamboyante, avant la grande bascule vers le tourisme de masse.

Rolando Bassetti se passionne pour ces périodes charnières. Pas un hasard si dans ses années d’école, des personnages comme Elisabeth Vigée Le Brun, incarnant tout à la fois la splendeur et décadence de Versailles, ou encore Schiele et sa Vienne entre deux mondes, l’aient inspiré. « Des époques qui dansent au bord du précipice, ça m’a toujours intéressé. » Le Zeitgeist, tête de proue de ses prédilections.

Rolando Bassetti grandit au Tessin. Petit, vous l’auriez peut-être croisé en train de contempler cette fresque du peintre Bernardino Luini, disciple du père de la Joconde, qui anime l’église di Santa Maria degli Angioli à Lugano, une passion spectaculaire du début du XVIème décrite avec détail et expressivité.

Histoire et art, deux disciplines insufflant à Rolando une vocation construite au fil de rencontres, d’affinités, de « oui » ouverts et curieux. Chain reaction ou cercle vertueux. Pendant ces années de formation, école, liceo puis l’Université de Lausanne en Lettres, il va réussir à maintenir cet équilibre si précieux entre l’importance de garder la spontanéité du ressenti, tout en considérant ce qui a priori semble loin de ses goûts. « En creusant, tu apprends à aimer. »

Étudier c’est bien, le principe de réalité aussi. Rolando Bassetti éprouve le besoin d’expériences concrètes sur le terrain. Il commencera par faire du gardiennage à la galerie d’art contemporain DWLV à Vevey. Emmené régulièrement dans les ateliers d’artistes par les galeristes d’alors, il aime ce contact avec les créateurs·trices ; écouter, questionner, suivre le processus créatif.

Puis, ce sera la rencontre fondamentale avec Nelly L’Eplattenier, galeriste légendaire de la place de Lausanne. Souvenir intact de la première vente qu’il fera un jeudi après-midi, alors qu’il était supposé ne faire que le gardiennage. Cet événement lui apprend le goût du commerce.

Dans la foulée, juste avant le début de la naissance du bouillonnant Quartier des bains, il se retrouve à Genève assistant un collectionneur-galeriste féru de foires d’art internationales. Encore une fois, la palette du monde de l’art se renforce et s’enrichit.

Des époques qui dansent au bord du précipice, ça m’a toujours intéressé

Après quelques stages, (Mudac, Musée de l’Elysée), le laureato en Lettres, fait la connaissance de Catherine Niederhauser qui l’invite à l’épauler dans son cabinet d’expertise lausannois. Le monde des salles des ventes s’ouvre à lui, au même moment, il rencontre la photographe Shannon Guerrico et l’historienne de l’art Marie-Noëlle Mettrau-Jomini. Avec elles, il va se lancer dans l’aventure de la galerie Forma qui reprend les locaux de « feu » la galerie Nelly L’Eplatennier. Passage de témoin amical, innovant et fertile. Nous sommes en 2013, il a 35 ans.

Aujourd’hui, Forma s’est déplacée rue Côtes-de-Montbenon, toujours dans ce quartier du Flon. Parallèlement, Rolando Bassetti est engagé au Musée Jenisch à Vevey, il s’occupe de la communication digitale et des réseaux sociaux. Travailler au sein d’une institution publique actionne une réflexion qui le mènera quelques années plus tard à postuler au CACY à Yverdon-les-Bains. D’emblée, il apprécie la dimension du lieu, sa dynamique et la mue opérée par sa prédécesseure, Karin Tissot qui a réussi à métamorphoser la Galerie de l’Hôtel de ville en centre d’art contemporain.

Choisi pour le poste début 2020, Rolando Bassetti vit une entrée en fonction inédite, synchrone avec la première vague de la pandémie. Vite dans le bain, des décisions doivent être prises rapidement. Prolonge-t-on les expositions ? Les déplace-t-on ? Une vision qui doit s’ajuster en permanence, géométrie variable des projets sur lit d’injonctions fédérales usantes telles que « Milieux culturels, réinventez-vous. »

Au final, pas d’embouteillage d’expos pour le CACY, plutôt des aménagements et des rocades, il faut aller de l’avant, maintenant, arrêter de repousser sinon il n’y a plus de projets.

Après « Rock me baby », place à la toute première exposition signée du directeur. « Supernature », une exposition collective autour d’une question incontournable aujourd’hui, l’écologie. Rolando Bassetti n’est pas un moralisateur encore moins un donneur de leçon, il propose un parcours comme una passeggiata parmi des oeuvres - la plupart produites pour l’événement - exprimant une nature merveilleuse, menaçante, vénéneuse, étrange ou encore inspirante. « Will there be a happy end

Now that all depends on you » comme dit la chanson de Cerrone qui a donné le titre à l’exposition.