Internet, le miroir aux alouettes

Numéro 35 – Septembre 2012

L’aspect provocateur de mon titre n’aura sans doute pas échappé au lecteur ! Enthousiasmé dès ses débuts par les possibilités immenses du réseau Internet, je me dois en effet aujourd’hui de réviser quelque peu ma position. En été 2001, je mettais en ligne mon premier site[1] ; à cette occasion, je publiais également un article qui tentait de faire le point sur les potentialités, mais aussi les problèmes de ce nouveau média[2]. Parmi ses qualités extrêmement attractives, je signalais surtout : la rapidité et l’ubiquité de l’information ; les faibles coûts de diffusion, permettant même d’envisager (le cas échéant) la gratuité de l’information au plus haut niveau scientifique ; la possibilité de remonter à la source de l’information de manière très rapide et efficace, au moyen des liens hypertextes[3]. D’un autre côté, j’essayais de discuter quelques points problématiques : la multiplication possible des plagiats, et surtout la très délicate question de la conservation à long terme de l’information. Onze ans se sont maintenant écoulés, un recul qui paraît suffisant pour dresser un premier bilan. À la vérité, l’excitation des noces paraît bien lointaine ; et, je dois l’avouer, l’enthousiasme a fait place à une appréciation beaucoup plus contrastée ; les avantages entrevus à l’époque se sont matérialisés, ils sont devenus aujourd’hui une sorte d’acquis, auquel nous nous sommes très vite habitués, et qui bien souvent ne parvient plus à nous faire rêver… En revanche, certains aspects négatifs avaient certainement été sous-estimés : car la diversité de l’information, sa rapidité et sa facilité d’accès, ne sont pas tout : sa qualité me paraît aujourd’hui globalement en danger, et nécessite dès à présent un renforcement drastique de notre esprit critique – un esprit critique qui apparaît en fin de compte comme la définition même de notre civilisation occidentale, en plus d’être son système immunitaire. Quant au point de vue de la conservation de l’information, c’est à une crise sans précédent que l’on risque d’assister à terme, une crise qui pourrait bien prendre la forme d’une sorte de gigantesque amnésie collective.

Internet, les sables mouvants

Dès cette réflexion initiale, en 2001, j’avais conçu comme une nécessité fondamentale le fait d’attribuer à tout document Internet une adresse (« URL ») aussi simple que possible, qui ne devrait plus jamais changer. La raison en était très simple : si un autre site pointe vers une page de votre propre site qu’il mentionne en référence, et si d’aventure vous en changez l’adresse URL, le lien sera rompu – ce qui reviendrait à ôter son appareil de références à un texte ; c’est-à-dire à enlever les fers du béton, qui dès lors pourrait bien s’effondrer.

Dans la pratique, je dois reconnaître que ce souci n’a pas du tout été partagé par l’ensemble de la communauté des concepteurs. En dix ans, l’immense majorité des sites que j’ai pu être amené à consulter ont disparu ou ont été mis à jour d’une manière radicale ; car les sites Internet, même ceux des grandes institutions très sérieuses, sont pris dans le maelström de la « communication » : il faut qu’une homepage soit à la mode, qu’elle attire l’internaute ; et pour cela, il faut surtout qu’elle plaise à l’œil, qu’elle soit dynamique, qu’elle reflète par son esthétique les valeurs par lesquelles l’institution cherche à se faire connaître, etc. Dès lors, régulièrement, des personnes possédant une fonction de décision dans l’institution, mais sans avoir les compétences nécessaires pour juger de la qualité du contenu (ou n’en voyant simplement pas l’intérêt), commanderont à un graphiste une nouvelle « peau » pour leur site ; l’ancienne version, qui contenait peut-être des documents de valeur, voire de première importance, est tout simplement écrasée – c’est-à-dire qu’elle disparaît à jamais.

La plupart des sources Internet vont devenir à court terme non seulement invérifiables, mais totalement inexistantes.

Concrètement, je pense que le site que j’ai créé en 2001 est l’un des très rares dont le contenu n’a jamais été écrasé, et dont les adresses n’ont jamais changé[4]. Cet effort isolé ne changera rien toutefois au constat global : d’une manière totalement intuitive, j’estime que l’espérance de vie d’un document Internet est en moyenne de l’ordre de quelques années tout au plus – peut-être cinq ans, en restant prudent. Ainsi, la « toile » s’est mise à ressembler aux sables mouvants : des informations intéressantes y apparaissent régulièrement, mais sont finalement englouties.

Tout le combat de la civilisation occidentale, depuis les Humanistes et les Réformateurs de la Renaissance, en passant par les pères de l’Université moderne au XIXe siècle, a été la conquête patiente de la maîtrise des sources : un texte qui ne cite pas ses sources n’a pas de valeur scientifique, car il contient des informations qui ne sont pas vérifiables[5] ; or, la plupart des sources Internet vont devenir à court terme non seulement invérifiables, mais totalement inexistantes ; c’est là un problème majeur, incroyablement ignoré, qui risque bien de faire retourner la civilisation occidentale quelques cases en arrière sur le jeu de l’oie du Progrès !

Le milieu entre l’écrit et l’oral

Ce que l’on ne pouvait pas prévoir en l’an 2000, mais qui apparaît désormais avec une grande clarté, c’est qu’Internet tient en fait exactement le milieu entre une source écrite et une source orale ; de la première, il a dans une certaine mesure l’apparence, puisqu’il n’est pas véhiculé par des sons, mais par des caractères alphabétiques ; pour autant, il serait extrêmement faux de le considérer comme l’égal d’une source écrite : il n’en a tout simplement pas la permanence ; il est condamné à s’évanouir totalement, qui plus est à brève échéance. Même en supposant qu’un site (la chose est rare) ne soit jamais écrasé, mais seulement augmenté, il arrivera un jour où l’institution qui le maintient cessera ses activités. Il disparaîtra alors, car il a besoin, pour exister, d’être activement entretenu – ne serait-ce qu’en payant le prestataire de services qui l’héberge sur un de ses serveurs. Au contraire, l’écrit, statique, a de plus grandes chances de traverser les siècles, comme nous le montrent les codex en parchemin des débuts du Moyen Âge, les manuscrits de la Mer Morte ou les hiéroglyphes des temples égyptiens !

Internet tient en fait exactement le milieu entre une source écrite et une source orale.

Il est révélateur de constater que les hautes écoles exigent désormais de leurs étudiants, lorsque ces derniers citent dans leurs travaux écrits une source Internet, qu’ils en donnent non seulement la description la plus complète possible (incluant l’adresse URL), mais qu’ils signalent également la date de consultation ; l’issue semble claire : à terme, les sources Internet disparaîtront en tant que telles, et il n’en restera plus que les traces que l’on pourra en trouver dans des textes imprimés sur papier ; en ce sens, ces sources Internet rejoindront les témoignages oraux, pour lesquels le chercheur doit mentionner le nom de la personne interrogée, ainsi que le lieu et la date de l’entretien ; à partir de là, la crédibilité du témoignage dépend de la moralité de l’auteur qui l’a transcrit et utilisé ; pour déterminer cette crédibilité, il faudra faire appel à toute une expérience d’enquêteur, à des croisements constants d’informations – une technique à la Sherlock Holmes, qui demandera toute la sagacité du chercheur, ainsi que de longues années de pratique ![6]

L’amnésie collective

Dès maintenant, il apparaît de manière probable que la masse énorme de textes en ligne que nous avons produits depuis une quinzaine d’années ne laissera à la postérité que des traces infimes ; et l’on n’a pas encore pris garde au fait que le résultat final risque bien d’être une prodigieuse amnésie collective ; dans vingt ans, dans cent ans, lorsque tout cela aura sombré corps et biens, notre civilisation aura peut-être l’impression d’avoir rêvé ! Dans cette configuration, il est heureux que l’on n’ait pas cessé d’imprimer des livres, malgré leur coût : résister à une telle tentation d’économie est désormais une priorité, un devoir même. Certes, tout ne mérite pas d’être imprimé… Mais les éléments de valeur qu’il peut nous arriver de produire doivent être couchés sur le papier, plus que jamais.

La conservation de l’information, traverse une crise sans précédent qui pourrait bien prendre la forme d’une sorte de gigantesque amnésie collective.

En 2001, j’attirais l’attention sur les tentatives lancées alors par quelques-unes des plus grandes bibliothèques nationales (notamment la British Library) pour constituer de gigantesques archives informatiques destinées à conserver les documents qui ne sont publiés que sur Internet ; il y a longtemps que je n’en ai plus entendu parler. La tâche, titanesque, s’apparenterait au supplice des Danaïdes, condamnées à remplir sans fin un tonneau percé : car les textes en ligne sont sans cesse remis à jour ; il en existe un nombre énorme de versions subtilement différentes ; sauvegarder tout cela semble désormais relever de l’utopie[7].

Le courriel, tranche de vie

Si Internet a eu la fâcheuse tendance à aspirer l’écrit en direction de l’oral, curieusement, on peut aussi, à l’autre extrémité du spectre, constater le phénomène inverse : dans de très nombreux cas, le courrier électronique a en effet pris la place du téléphone ; au lieu de décrocher le combiné pour appeler un interlocuteur peut-être absent (ou, s’il est présent, au lieu de prendre le risque de le déranger à un moment où il serait peu réceptif), aujourd’hui, dans de très nombreux cas, on préférera envoyer un courriel ; écrire une lettre était long, fastidieux, rendait nécessaire de passer au guichet de la poste, pour un message qui n’arrivait à destination qu’un ou plusieurs jours après ; alors qu’un courriel sera écrit en quelques minutes, reçu instantanément, et lu dès que la personne sera disponible ; souplesse et adaptation sont ses maîtres mots ; en plus, nous allons conserver une archive de cette activité : lorsque l’on veut savoir ce que l’on a dit à un correspondant il y a un mois, deux ans ou même dix ans, une simple recherche par mot-clé dans notre messagerie apporte des informations d’une grande précision ; nous renouons le fil comme si tout cela ne datait que d’hier. Prodigieux outil d’organisation, l’e-mail a donc contribué à soustraire au monde de l’oralité une grande masse d’informations sur notre quotidien ; on ne réalise pas forcément à quel point il a développé la dimension diachronique de notre existence ; les disques durs sur lesquels ces informations sommeillent ne sont certes pas éternels, et on n’envisagera pas d’imprimer intégralement les milliers de mails classés sur nos ordinateurs – mails dont l’écrasante majorité n’a d’ailleurs aucune valeur particulière ; mais tout de même, parfois, au détour d’une lettre anodine, d’un message laconique ou utilitaire, on pourra glaner une étincelle de vie : un mot drôle bien senti, une manifestation d’amitié sincère, l’enthousiasme d’un sentiment naissant, voire la peine éprouvée à la perte d’un être proche… La littérature actuelle ne s’est pas fait prier pour inclure le courriel dans des versions revisitées du roman épistolaire jadis mis à la mode par Rousseau ou Goethe ; mais les plus belles trouvailles sont encore, sans doute, parmi les inédits que nous détenons nous-mêmes, pour notre usage personnel et gratuit, sans prétention particulière…

La médiocrisation de l’information

La volatilité des contenus est donc un problème majeur posé par le réseau Internet ; mais ce n’est pas le seul ! Un autre, au moins aussi grave, est apparu : celui de la qualité de l’information. Dans mon article de 2001, je suggérais l’idée d’un label de qualité, d’une sorte d’appellation « AOC » pour les sites Internet. Celle-ci n’a pas vu le jour ; bien au contraire, on dirait que la communauté Internet y est fondamentalement hostile[8], au point de promouvoir le concept de connaissance démocratique. La traduction la plus célèbre de ce principe (en soi absurde, la Théorie de la Relativité n’ayant pas été obtenue par le suffrage universel) est celle de l’encyclopédie en ligne Wikipédia, produite par une communauté de gens qui ne se concertent pas, mais qui peuvent se compléter, voire se corriger les uns les autres ; il n’y a aucune hiérarchie entre eux, aucune « autorité » ; en somme, alors que la structure des institutions académiques est en partie verticale (avec des statuts différents, donnant droit à des interventions plus ou moins validées, plus ou moins crédibles), la structure de Wikipédia est parfaitement horizontale, et ne connaît pas de telle hiérarchie. Peut-on d’ailleurs encore parler de structure ? Ou faut-il préférer un concept proche de la génération spontanée, de l’autorégulation des marchés, voire de mutations se produisant au gré du hasard et de la nécessité ? Minarchie, anarchie ? Dans cette optique, dans ce parti pris d’amorphie, un professeur d’université ne jouira pas d’un statut supérieur à celui d’un anonyme – au point que certains personnages sans formation supérieure ont pu y passer pour des experts ; les cas de ce genre ne sont pas rares.

Pour les élèves nés au début des années 1990, Internet est devenu la référence fondamentale.

Il faut certes reconnaître que la structure hiérarchisée des institutions académiques a été, de tout temps, un facteur de lourdeurs et d’injustice ; tout le monde a à l’esprit un certain nombre d’anecdotes mettant en scène de jeunes génies qui, pour diverses raisons, ont été ignorés ou maltraités par les vieillards chargés de la garde du temple – jusqu’à ce que le Jugement du Temps donne raison aux blancs-becs contre les vieux fossiles ; de tels cas ont existé à toutes les époques ; mais de manière globale, il n’est sans doute que justice de dire que l’institution académique a plutôt contribué à élever le niveau d’exigence ; prétendre le contraire, ce serait affirmer que toute l’énergie investie dans nos universités et autres écoles d’ingénieurs n’a jamais servi à rien ; ce serait là une opinion extrême. Concrètement, des sites « démocratiques » comme Wikipédia contiennent souvent des éléments utiles, et même parfois des éléments de grande valeur, mais mêlés, de manière inextricable, avec des matériaux médiocres, voire détestables. Si l’on descend encore de cet échelon, pour aller vers des sites personnels encore moins institutionnels, l’ambitus entre l’excellent et l’affreux devient de plus en plus important. Pour s’y retrouver, il faut une véritable méthode critique, que l’on ne peut atteindre qu’avec une certaine expérience ; une formation supérieure, et une attention en permanence en éveil, ne seront pas de trop pour débusquer les fruits pourris dans cette corbeille touffue – et c’est bien là ce qu’il y a de plus difficile ! La chose est particulièrement dramatique lorsque l’on travaille avec des jeunes, des étudiants encore peu avancés, qui souvent prennent comme argent comptant tout ce qu’ils trouvent sur Internet ; le fait d’être publiées sur la toile donne à des informations parfois farfelues une certaine respectabilité ; or, parmi elles, pour une idée géniale et totalement nouvelle, il y aura 99 idées tout simplement fausses, ou au minimum dépourvues de toute garantie !

Il est indispensable d’exercer son esprit critique face aux sources d’Internet.

Les générations d’élèves qui parviennent aujourd’hui aux écoles supérieures sont nées au tout début des années 1990 ; concrètement, elles n’ont pas connu l’époque où Internet n’existait pas (ou elles n’en ont pas de souvenir) ; Internet est devenu pour elles, qu’on le veuille ou non, la référence fondamentale, peut-être même la seule référence qui compte véritablement ; et il faut une réelle opiniâtreté au professeur pour tenter de leur faire comprendre qu’il est indispensable d’exercer son esprit critique face à de telles sources. Pour illustrer mon propos, j’utilise souvent la comparaison avec la « traçabilité » des produits vendus en supermarché : il nous paraît crucial de connaître l’origine de la viande de bœuf que nous mangeons ; pourquoi n’attribuerait-on pas autant d’importance aux informations que nous récoltons sur Internet, et dont certaines vont servir à orienter nos décisions professionnelles, nos lectures, nos vacances, nos achats immobiliers, voire le choix de notre médecin, et peut-être même nos croyances philosophiques et religieuses ?

En résumé, il existe, aujourd’hui plus que jamais, une différence fondamentale, on pourrait même dire un gouffre, entre l’imprimé et l’Internet, au niveau qualitatif ; la raison en est simple : au contraire d’un site Internet, publier un livre coûte cher ; on aura donc tendance à le soumettre à une critique plus intense ; cette contrainte d’ordre financier est en fait un garde-fou providentiel, qui pourrait bien être le sauveur du livre ; en plus de dix ans en tout cas, Internet n’est en moyenne pas parvenu à la cheville du livre en termes de qualité de contenu et de fiabilité de l’information – les sites de haute tenue que l’on pourra citer ici ou là ne changent malheureusement rien à ce constat global[9].

Des invités surprise

Le tableau que je viens d’esquisser pourra sembler sévère. Travaillant quotidiennement avec des professeurs et des élèves de Hautes Écoles Spécialisées qui écrivent des travaux de recherche, je peux affirmer que ces observations sont fondées sur une pratique du terrain. Deux points réjouissants et totalement inattendus viennent toutefois mettre un peu de baume au cœur. Le premier, c’est celui des livres d’occasion : ces derniers retrouvent, grâce à Internet, une deuxième vie qui peut être merveilleuse. Il se peut en effet que, dans une boutique du fin fond de la Patagonie, se trouve un livre totalement épuisé qui vous intéresse prodigieusement, le livre de votre vie même, peut-être ! Auparavant, la chance que votre route croise ce trésor était virtuellement nulle. Aujourd’hui, grâce à des sites fédératifs regroupant des milliers de libraires spécialisés10, quelques clics bien sentis suffiront à faire venir chez vous ce Graal, en quelques jours ou quelques semaines ! Le prix pourra même être dérisoire, si votre passion est suffisamment peu partagée par l’ensemble du public… Autre acquisition majeure, qui n’avait pas non plus été prévue par la réflexion théorique avant l’an 2000 : je veux parler de l’intégration rétrospective sur la toile des sources imprimées : en termes plus clairs, le scannage de livres anciens, et leur mise à disposition (sur des sites comme Googlebooks, ou Gallica de la Bibliothèque Nationale de France ; ou d’autres encore, notamment pour les périodiques tombés dans le domaine public ; certains de ces sites sont d’ailleurs payants, et donc accessibles presque uniquement en bibliothèque). Les recherches par mots-clé que l’on peut y effectuer ont véritablement apporté un enrichissement majeur aux techniques de recherche.

Ces deux derniers points pourraient paraître un peu anecdotiques ; je suis convaincu du contraire. Je pense plutôt qu’ils nous indiquent la conclusion de toute cette histoire : utilisé conjointement à l’imprimé, Internet est un outil extrêmement puissant, dont on n’a même plus l’idée qu’il ait pu, un jour, ne pas exister. Mais son mauvais emploi, c’est-à-dire son utilisation bornée, exclusive, non critique, le fait de l’ériger en référence, en clé universelle de l’information, serait une véritable menace pour la santé intellectuelle de notre société.

Le monde actuel est complexe ; il est également rempli de pollutions de tous ordres ; Internet n’échappe pas à cette description : aujourd’hui, il s’apparente à un immense déversoir, une décharge même, où l’on trouvera facilement, très rapidement, quelques objets plutôt utiles, entre deux bibelots ridicules. On y découvrira même – rarement – de l’or au milieu des immondices. Mieux vaut savoir trier !

[#1] Celui de la Revue Musicale de Suisse Romande. Il y en a eu encore par la suite une demi-douzaine d’autres.

[#2] Vincent Arlettaz : « Internet et la musicologie, quelques réflexions pour le siècle qui commence », in : Revue Musicale de Suisse Romande 54/3 (septembre 2001), p. 10 – 19.

[#3] On aurait pu alors ajouter : une structure démocratique, non centralisée, pouvant donner une tribune à des idées non conformistes particulièrement intéressantes.

[#4] De nombreux articles nouveaux ont bien sûr été rajoutés, et quelques rares articles, disponibles à l’origine en version intégrale, ont été par la suite quelque peu raccourcis ; mais aucun article n’a disparu ni changé d’adresse.

[#5] Pour les sciences exactes, l’exigence de vérifiabilité est également incontournable, bien qu’ici, on puisse également avoir recours à l’observation directe de la nature – ce qui n’est pas le cas pour les sciences humaines, qui ne travaillent qu’avec des documents.

[#6] En revanche, le spectre du plagiat ne s’est pas véritablement matérialisé. On en a vu certes, de très nombreux même ; mais comme il était possible de le prévoir déjà il y a dix ans, les moteurs de recherche permettent de les identifier assez facilement ; il existe même désormais des logiciels spécialisés qui effectuent de manière automatique ce genre de travail. Dans la sphère pédagogique, la problématique revient en somme à l’établissement d’un rapport personnalisé entre l’étudiant et l’enseignant, le plagiat n’arrivant jamais véritablement comme une surprise, mais restant l’apanage de personnalités problématiques, tentées de se faufiler entre les mailles d’un filet trop exigeant pour elles. Enfin, chose bien imprévisible il y a dix ans, le monde politique a mis en évidence des cas spectaculaires de plagiat, même au niveau ministériel. La publicité faite autour de tels cas, et de leurs conséquences dramatiques, aura à terme pour effet de rendre le plagiat totalement inattractif – en dehors des niveaux d’études inférieurs, ou de quelques desperados ; il reste également le cas du plagiat « traditionnel », où un personnage occupant une position hiérarchique supérieure exploite le travail d’un subordonné. Mais je ne crois pas qu’Internet ait péjoré les choses dans ce contexte ; je pense qu’il aura plutôt mis dans les mains des victimes de nouvelles armes pour tenter de se défendre.

[#7] À moins que ce genre de chose ne soit à la portée d’un service comme Google, dont le fonctionnement exact reste à ce jour un secret, et qui n’est peut-être en fin de compte qu’une façade civile d’activités d’espionnage liées au fameux « Système Echelon ». Dans tous les cas, cette sauvegarde ne serait sans doute pas disponible pour l’utilisateur privé. Quelle utilité d’ailleurs, comment trier dans un matériel aussi monumental ?

[#8] Il faut excepter ici les périodiques scientifiques et les grandes encyclopédies, qui existent parallèlement en version électronique et en version papier : je ne cherche évidemment pas à les inclure dans les critiques faites ici. Mais il convient de remarquer que ce sont là des médias payants (et même chers), donc limités à l’usage professionnel, et pratiquement toujours dans le cadre d’une institution (haute école, bibliothèque publique…) ; du point de vue de l’usager individuel, ces ressources ne sont pas une révolution, ce n’est en somme qu’une version un peu mise à jour des formats que l’on connaît depuis l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert. En bibliothèque, juste à côté du terminal de consultation de ces bases de données, se trouve bien souvent la version papier traditionnelle, qui pourra même parfois être plus agréable à consulter que l’écran d’ordinateur.

[#9] Pour être complet, il faut encore préciser que certains sites (mais ils sont rares) proposent un matériel introuvable dans les sources imprimées ; il s’agit surtout de sujets très récents, pour lesquels il n’existe pas encore de publications papier, ou encore de sujets très pointus, pour lesquels un érudit complètement improbable a réuni sur Internet une documentation de qualité irréprochable. Mon conseil aux élèves est donc d’éviter absolument les sites traitant de sujets généraux ou très connus (par exemple : la vie de Mozart, ou l’histoire de la symphonie à travers les siècles), et de donner la préférence aux sites qui traitent d’un sujet très pointu et/ou très récent (par exemple, l’évolution des prix du pétrole au cours des dix dernières années, ou l’histoire du DVD). Enfin, on peut aussi imaginer se contenter de sources Internet dans le cas d’informations annexes, abordant des aspects n’appartenant pas à proprement parler au domaine de spécialité de la recherche – par exemple, des informations sur un peintre dans un travail d’histoire de la musique : on pourrait être ici moins exigeant.

[#10] Le plus connu aujourd’hui est abebooks.