À l’heure où les usages de l’offre du service public sont en pleine mutation, rappelons-nous que, d’entre tous les médias, la radio demeure le plus sensuel. Ode aux ondes.
« Nous sommes chanceux d’avoir 40 % de la population qui se dit friande de culture en Suisse. Le bassin existe, sauf qu’allumer la radio n’est plus un réflexe pour les trentenaires. Comme pour l’ensemble des médias, nous devons utiliser des canaux de diffusion contemporains. » Le constat d’Alexandre Barrelet, chef de l’unité Culture à la RTS, est sans appel, mais n’augure pas moins de nouveaux projets prometteurs. Comme tous les médias, la radio fait face à une atomisation des publics et doit redoubler d’ingéniosité pour s’adapter aux nouvelles habitudes du public. Et c’est là que se profile le véritable défi des médias linéaires du service public, dont le mandat est de s’adresser à toute la population. En termes statistiques, les deux premières chaînes radio de la RTS s’adressent majoritairement aux plus de 60 ans. L’âge moyen des auditeurs d’Espace 2 est très exactement de 65,7 ans. Alors comment rajeunir l’audience sans se laisser engourdir par les sirènes du jeunisme et tourner le dos aux séniors ? En souplesse et en bonne intelligence, la radio s’efforce de faire le grand écart.
Du « on air » aux newsletters
Dans cette refonte des programmes à haut débit et une nouvelle grille pour Espace 2, les auditeurs on air se voyaient ramenés d’un coup sec sur terre lors de la diffusion du communiqué du Syndicat suisse des mass media (SSM), qui rappelait en décembre 2019 l’horaire décroissant de La Matinale sur La Première et la menace planant sur des émissions littéraires sur Espace 2. Un tableau moins crépusculaire et nettement plus nuancé, selon les prévisions d’Alexandre Barrelet. « Effectivement, Espace 2 a perdu des minutes de littérature, mais elles sont notamment compensées par la nouvelle newsletter de contenus QWERTZ, dans laquelle sont proposés des articles, des audios et des vidéos tous les vendredis. Nous devons créer des offres claires et ciblées. Et ça marche, nous avons déjà de nombreux abonnés ! » Rencontres avec des écrivains, conseils de lecture, avis critiques et débats, l’offre de ce nouveau format à consommer à son propre rythme est aussi riche que cohérente. « Il ne s’agit pas d’une concession, plutôt d’un processus de transformation. Même si l’on doit économiser des millions, il n’y aucun projet d’économiser sur l’offre culturelle. Si le service public commençait à brader son offre culturelle, c’est sa raison d’être qui serait démantelée », précise le responsable de la culture à la RTS.
Génération podcast
Le phénomène des changements de canaux de consommation ne date pas d’hier, mais il se confirme et s’accélère. À l’ère des projets transversaux qui redéfinissent l’horizon des ondes, sous les casques dans le train ou dans l’open space, ou encore à plein volume en voiture ou à la maison, le podcast est en pleine explosion. Aujourd’hui le monde délinéarisé représente une gigantesque nébuleuse d’offres très spécifiques, et on compte par centaines de milliers les podcasts francophones que chacun·e peut télécharger sur son téléphone. On se les échange, on en parle avec ses collègues pendant la pause de midi ou le soir entre amis, on se les réserve pour plus tard. Totalement hors mode, en direct ou en podcast, la radio fait indiscutablement partie du bouquet de la diversité médiatique. Pour peu qu’on soit tenté de penser que la radio, c’est toute une époque, on aurait absolument raison. Car de tout temps la radio amplifie l’écho de l’époque.