©Caroline Wagschal

Cette période compliquée montre l’importance des faîtières

Numéro 67 – Septembre 2020

Anya della Croce est la coordinatrice romande de l’association Petzi qui compte plus de 200 clubs et festivals membres en Suisse. Alors que les salles de concerts s’apprêtent à ouvrir à nouveau, après une longue disette de 6 mois, elle nous parle de l’état d’esprit et des actions prises dans la branche.

Comment Petzi se prépare pour cette rentrée ?

La plupart des gens nous connais­sent surtout com­me un système de billetterie et non comme la faîtière des clubs. Pour faire face à la situation, nous avons mis en place de nouvelles fonctionnalités pour faciliter la traçabilité du public. Je précise que la protection des données privées a toujours été un sujet très sensible pour Petzi. Notre solution permet aux gens de laisser leur nom et leur numéro de téléphone de manière à ce que les données ne soient pas réutilisées plus tard à des fins commerciales. On cherche donc à simplifier les choses, à la fois pour le client et pour les organisateurs.

En ce qui concerne les mesures sur les lieux de concerts, nous avons travaillé sur un plan de protection qui a été publié en juin. Il a été mis à jour régulièrement avec les nouvelles exigences et respecte toutes les demandes du Conseil fédéral. Or les disparités actuelles des directives selon les cantons ne nous aident pas à avoir une approche nationale. La plupart des clubs sont prêts à respecter les différentes consignes pour que tout se passe le mieux possible.

Les salles sont-elles prêtes à or­ga­niser des soirées malgré l’ambiance pesante ?

Bien sûr, on souhaiterait pouvoir ouvrir dans de meilleures conditions, mais le problème est économique. On ne peut pas survivre si on n’ouvre pas à nouveau prochainement. Certains clubs sont fermés depuis six mois et si le lien ne se recrée pas avec le public, cela sera encore plus compliqué. L’état d’esprit pour les salles avec qui j’ai eu un contact, c’est de dire : faisons comme à chaque rentrée, ouvrons et croisons les doigts. Mais il faut aussi rappeler que nos membres sont des organisations à but non lucratif dont les bénéfices, quand il y en a, sont réinvestis dans la programmation et la structure. Les gens qui y travaillent ont des salaires bas. Donc faire une soirée où tu ne peux pas être en capacité complète, parce que tu dois pouvoir respecter les 1 m 50 de distance entre les gens, cela rend les choses compliquées. Certains se demandent si ça vaut la peine d’ouvrir dans ces conditions. Mais ils le veulent. Parce que nous avons tous besoin et envie de voir des concerts. 

Le port du masque dans les clubs, ou encore des concerts assis, ce sont des solutions acceptables ?

Je suis contre le port du masque dans les salles à titre personnel. Mais la priorité c’est bien sûr la protectionde la population. Donc on ne va pas organiser des concerts sauvages qui ne respectent pas les consignes. Quant aux shows assis, cela est pos­sible pour certaines salles uniquement. Et puis il y a encore d’autres mesures logistique, la distribution de gel, les contrôles aux entrées, etc. Il y a beaucoup de paramètres qui vont rendre les choses compliquées. D’une manière générale, notre plan de protection se base sur la responsabilité individuelle.

Y a-t-il des clubs en grandes difficulté à l’heure actuelle ?

À ma connaissance non, pas pour l’instant. Il y a eu quelques membres en difficulté sur des questions de loyers dûs à des propriétaires privés, mais des solutions temporaires ont heureusement été trouvées. Pour le reste, c’est difficile de se prononcer tant que nous n’avons pas encore les réponses sur les demandes d’indemnisation déposées auprès des cantons. Elles sont en train d’arriver. Certains clubs ont reçu des réponses négatives, alors que d’autres n’ont reçu qu’une partie de ce qu’ils avaient demandé. Cela nous préoccupe. Surtout quand de gros festivals toucheraient entre 3 et 5 millions alors qu’un petit festival qui demandait 5 000 CHF ne les a pas obtenus. C’est un dossier qui va nous occuper ces prochaines semaines : comprendre comment ces décisions ont été motivées.

Certains se demandent si ça vaut la peine d’ouvrir dans ces conditions. Mais ils le veulent. Parce que nous avons tous besoin et envie de voir des concerts.

À ce propos, quels autres rôles joue Petzi dans cette crise ?

C’est une période compli­quée pour nous, mais elle montre aussi l’importance des faîtières. En temps normal, nous organisons différentes formations et rencontres sur des thèmes divers, comme la TVA pour les clubs, l’importance de la diversité dans les structures cul­turelles, etc. Là, nous avons été actifs pour partager des informations aux membres, notamment pour expliquer les mesures publiées par la Confédération qui n’étaient pas toujours claires. Nous avons remonté des informations aux autorités. Notamment par notre présence dans la task force culture en lien avec Pro Helvetia et l’Office fédéral de la culture. Nous avons également une task force suisse romande, où nous sommes en contact avec les cantons.

Comment voyez-vous l’avenir pour les clubs et les festivals ?

J’essaie de toujours rester optimiste, Mais je pense que ça va être très difficile de revenir à une activité normale. Et cela nécessitera une continuation des aides en place. L’annonce du Conseil fédéral avait d’ailleurs été très claire : « nous débloquons un premier fond d’aide de 280 millions de francs pour les deux premiers mois ». Ce qui implique qu’il y en aurait au moins un deuxième. Il faudra aussi veiller à préserver tout l’écosystème des musiques actuelles en Suisse. Car si on venait à perdre des prestataires son et lumière ou des gens travaillant dans le management d’artistes, cela veut dire qu’il n’y aura plus de diversité dans le paysage musical. 

Est-ce que cette situation peut finalement être une bonne chose pour les groupes suisses ?

Oui, bien sûr. La scène locale avait déjà une place très importante dans la plu­part des clubs. Maintenant, nous savons que les tournées d’artistes internationaux sont repor­tées à 2021, au printemps et même à l’automne pour certains.