Le pressage de vinyles est un objectif pour de nombreux artistes qui s’autoproduisent. Mais le chemin peut être semé d’embûches.

«Pour nous, c’était une évidence de faire un disque vinyle, raconte Carole, chanteuse et guitariste du trio lausannois Torpedo. On a commencé par chercher des informations sur le web, puis on s’est renseignés auprès de quelques personnes. Mais le processus était assez nébuleux.» Comme beaucoup d’autres, le groupe a décidé d’autoproduire son premier album, sorti l’année dernière. La production musicale est en effet devenue plus accessible ces dernières décennies grâce à la numérisation. Mais, pour presser ce bon vieux support vinyle, des connaissances spécifiques sont nécessaires.

Adi Flück les possèdent certainement. Le Bernois est l’un des seuls en Suisse à graver des masters, soit des sources de qualité suffisante qui pourront ensuite servir de base pour presser plusieurs exemplaires de vinyles. Pour cette dernière étape, les artistes suisses doivent passer par des prestataires étrangers. «Il n’y a pas d’usines à vinyles en Suisse, confirme-t-il. C’est un peu comme faire des T-shirts. Ce n’est pas intéressant économiquement de produire dans notre pays; ça coûterait trop cher. Il y a bien quelques acteurs qui produisent des vinyles, mais en quantités très limitées, de façon artisanale.»

Usine en Allemagne

Les musiciens peuvent donc compter sur le savoir-faire et les conseils d’Adi Flück et de son studio, Centraldubs. Parmi ses clients, on retrouve les labels d’artistes comme Larytta, Altin Gün, The Monsters ou encore Yello. Le groupe Torpedo, après avoir enregistré lui-même son album puis fait mixer les titres par un ami ingénieur du son, a également fait appel aux services du Bernois. Mais, n’ayant pas de label pour gérer le processus, il a dû se débrouiller par lui-même pour la suite, ou presque. «Adi nous a mis en contact avec une personne qui s’est occupée de gérer les contacts à distance avec une usine de presse située à Leipzig, en Allemagne, relate Carole. C’était vraiment utile pour nous. Elle connaissait toutes les démarches et pouvait parler directement avec l’usine en allemand.»

Les petits labels suisses travaillent donc aussi avec ces usines situées à l’étranger. Léo Wannaz presse des vinyles depuis une quinzaine d’années avec son label Creaked Records. «Entre 2004 et 2005, je pressais en République tchèque, chez GZ Media, se souvient-t-il. Après, j’ai changé pour une usine en Allemagne, Optimal Media. C’est là que j’ai pressé les vinyles de Larytta, par exemple.» Une fois le master envoyé à l’usine, celle-ci envoie aux artistes ou aux labels des test pressing, soit quelques exemplaires pour validation avant de lancer la production. «Il faut toujours les demander, conseille-t-il. Personnellement, je n’ai eu qu’une fois un problème, mais c’était de ma faute, ça venait du mastering.»

Le groupe Torpedo a également eu une mauvaise surprise à la réception de ses échantillons tests. «On a reçu deux vinyles, se rappelle Carole. Quand on les a écoutés, on a trouvé qu’il y avait de petits défauts, des craquements et un bruit de fond. On ne savait pas trop si c’était le support vinyle qui donnait ce rendu au son, alors on a demandé l’avis d’Adi. Il nous a confirmé que c’était un problème qui venait de l’usine. Cette dernière avait endommagé le master et il a fallu en renvoyer un.» Le processus prendra finalement trois mois et demi, ce qui est un délai courant pour presser un vinyle, et coûtera 1500 francs pour 300 exemplaires. Le groupe aurait voulu presser moins de disques, mais les usines n’acceptent en général pas en dessous de cette limite. «C’est compliqué de faire de petites quantités, confirme Adi Flück. Les usines n’acceptent pas, parce que ça représente beaucoup de travail pour faire tourner les machines pendant deux minutes. En général, les commandes sont de 300 à 500 pièces au minimum.»

Pour de petits groupes, il faut ensuite écouler ces centaines d’exemplaires. «On les vend surtout après les concerts et on en a quelques-uns dans un magasin de disques, explique Carole, mais ce serait certainement plus facile avec un label.» Pas bon marché à produire et compliqué à écouler, le vinyle est donc loin de représenter un investissement rentable pour la plupart des artistes indépendants.