Les grands rassemblements autorisés mais sans garantie
Pour une reprise des activités culturelles, il faut impérativement développer un mécanisme de compensation des pertes en cas d’annulation. C’est nécessaire pour éviter l’effondrement de tout le secteur.
Le couperet est tombé : les « grands rassemblements » seront à nouveau autorisés dès le 1er octobre sous strictes conditions et les autorisations seront du ressort des cantons. Elles seront notamment conditionnées à la situation épidémiologique du canton, à sa capacité de traçage et à un plan de protection dont les contours sont connus depuis le 2 septembre. Dans ces conditions, comme l’ont relevé plusieurs acteurs·trices culturel·le·s, l’incertitude continuera à peser sur la production et l’organisation de spectacles. Les organisateurs·trices n’auront en outre pas de garantie que l’évènement puisse se tenir en cas de dégradation de la situation sanitaire dans le canton.
A cette situation déjà terriblement compliquée s’ajoute la question des quarantaines. On en a vu déjà quelques exemples dans le domaine sportif cet été. Que se passe-t-il si un ou plusieurs interprètes sont mis en quarantaine pendant la période de création ou de représentations ? Dans la plupart des cas, il ne sera pas possible de reporter les représentations. Et c’est alors un jeu de domino qui commence : qui va payer dans cette situation ? Plusieurs salles ont commencé à « proposer » aux producteurs·trices des contrats de cession (contrats « d’achat de spectacle ») qui comportent des clauses d’annulation « COVID » sans aucune compensation financière et ce jusqu’au dernier moment. Mais les compagnies de danse ou de théâtre, les groupes de musique vont devoir honorer les contrats de travail passés avec les artistes et les autres professionnel·le·s. Si personne ne prend en charge ces coûts, le système va très rapidement s’écrouler.
Aujourd’hui il paraît peu probable qu’une assurance privée prenne en charge ces coûts liés aux annulations. Dans certains pays, l’État a mis sur pied, à la demande des producteur·trices (voir article de Stéphane Morey sur le fonds de garantie) des systèmes de compensation des pertes. C’est nécessaire pour pouvoir imaginer une reprise des activités culturelles. C’est d’autant plus nécessaire que dans le projet de loi COVID présentée par le Conseil Fédéral les contrats à durée déterminée (CDD) ne peuvent plus avoir droit aux RHT (chômage partiel), alors que ce mécanisme a permis à de nombreux employeur·euse·s de survivre à cette première étape de la crise.
Si personne ne prend en charge ces coûts, le système va très rapidement s'écrouler
Il y a peut-être une piste dans ce projet de loi COVID pour prendre en charge à l’avenir les conséquences financières de ces annulations, qu’elles soient dues à des décisions des autorités ou à des quarantaines : « Les contributions sont octroyées sur demande aux entreprises culturelles, au titre de l’indemnisation des pertes financières et pour des projets de transformation. » Là encore des incertitudes demeurent : les cantons restent libres d’utiliser ou pas cette possibilité, mais ils doivent ajouter un montant équivalent à celui de la Confédération. On peut craindre que certains cantons dont les finances ne sont pas au beau fixe rechignent à trouver les ressources nécessaires.
Enfin, le plafond fixé dans la loi risque d’être insuffisant en cas de dégradation de la situation. Dans le message qui accompagne le projet de loi, le Conseil Fédéral précise : « A cet effet, l’OFC met 80 millions de francs au plus à la disposition des cantons pour l’année 2021. Un des objectifs consistera à atténuer la pression financière que subissent les entreprises culturelles, afin d’éviter autant que faire se peut la faillite d’acteurs importants de la politique culturelle ». C’est louable mais insuffisant. Il faut aussi faire tout ce qui est nécessaire pour éviter la faillite de tous les acteurs·trices de la politique culturelle. Tous les maillons de la chaîne sont nécessaires pour que la production culturelle suisse puisse retrouver son public !