Culture et Coronavirus : une victime propitiatoire ?

Numéro 68 – Décembre 2020

Dans notre édition de septembre, j’avais célébré la victoire remportée par les milieux culturels dans le cas de « l’affaire » de la Haute École de Musique de Neuchâtel ; j’avais conclu mon propos par un commentaire plus large sur le coût financier (somme toute modeste) de la culture, et sur son importance en tant qu’investissement, à même de renforcer l’attractivité de nos régions et de maintenir pleinement en vie nos villes, villages ou autres stations touristiques. Or, quelques mois plus tard, cette même culture que j’avais présentée comme victorieuse subit une des attaques les plus violentes qu’elle ait connues depuis des décennies : musées fermés, concerts interdits, écoles basculées en « distanciel », un nouveau danger se présente désormais, sous forme d’une hibernation qui pourrait aboutir à de nombreuses amputations.

Quel intérêt de fermer les musées ?

Il a beau avoir été démontré à satiété que les statistiques du « coronavirus » ont été exagérées (le ministre français de la Santé n’a-t-il pas lui-même reconnu, en septembre 2020, qu’une dizaine de milliers de victimes en France – sur trente mille – étaient décédées « porteuses du Covid », et non pas « à cause du Covid » ?[1]), nos sociétés semblent désormais avoir sombré dans la panique. Tétanisées, nos autorités ont pris récemment diverses mesures dont le bien-fondé paraît pour le moins discutable : ainsi, quel intérêt peut-il y avoir à fermer des musées qui, quelle que soit la saison, ne représentent pas de grandes concentrations de personnes, contrairement aux transports publics ou à de très nombreuses entreprises ? Genève et le Valais l’ont pourtant fait. Ces deux Cantons ont également imposé une fermeture totale à leurs bibliothèques ; mais quel danger court-on en se présentant à un guichet de prêt bouclé par des parois de plexiglas, et où la désinfection des mains est obligatoire ? En Valais, la Haute École de Musique a même reçu l’interdiction formelle de dispenser toute forme de cours en « présentiel » – même des cours individuels, où professeur et élève se retrouvent seuls dans une salle de plusieurs dizaines de mètres carrés. « En même temps », il n’y a qu’à traverser la rue pour trouver, au Lycée de la Planta, des salles qui ne sont pas plus grandes et où s’entassent 25 ou 30 étudiants, âgés de 15 à 20 ans – contre 18 à 25 ans pour les étudiants en musique.

L’agenda politique rejoint l’inhumain

Où se trouve la logique en tout cela ? N’est-il pas clair que l’on s’attaque une fois de plus à la culture – comme jadis dans le cas de la HEM de Neuchâtel – pour montrer que l’on « fait quelque chose » (même si cette chose est fondamentalement inutile), tout en sachant que le coût politique ne sera pas conséquent ? Pourtant, la chose est très dangereuse : car la culture est sans doute ce qui, dans les circonstances actuelles, représente l’apport le plus positif et le plus salvateur pour l’ensemble de la population, oppressée depuis des mois par les messages anxiogènes véhiculés avec complaisance par les médias. De même, pourquoi diable les cultes religieux ont-ils été – dans la plupart des cantons – suspendus ou limités à une poignée de personnes (entre cinq et dix), alors que les églises et les temples sont vastes et, là aussi, sans danger si on les compare aux bus urbains ou aux trains bondés ? En Valais, le gouvernement est même allé jusqu’à interdire les visites aux personnes âgées vivant en maison de retraite (EMS) ; cette décision incompréhensible coupe des personnes qui nous ont élevés, nourris, éduqués et aimés, de leur unique soutien dans une des périodes les plus difficiles de leur vie ; elle n’empêche d’ailleurs nullement le virus de pénétrer dans les homes, par l’intermédiaire des cuisiniers, des femmes de chambre ou des secrétaires. L’agenda politique rejoint ici l’inhumain.

Mais revenons à la culture pour conclure. Ne nous y trompons pas : elle finira par triompher, et même par donner son sens à la crise actuelle. Et tel un arbuste fragile, dont les racines savent s’immiscer dans les moindres interstices du rocher qui l’écrase, elle le fera un jour éclater, nous apportant libération et joie.


[1] Voir  sur YouTube la vidéo : « Covid-19 : l’audition d’Olivier Véran, ministre de la Santé, devant la commission d’enquête du Sénat » (Public Sénat) du 24 septembre 2020, à 1 heure 41’ 55’’.