Feux verts pour les artistes

Numéro 69 – Mars 2021

Une charte, un manifeste et un label, les artistes romand·e·s se rassemblent sous différentes « guidelines » pour affronter l’avenir et les crises climatique ou sanitaires.

« Nous soussignés et soussignées, artistes, acteurs et actrices culturelles de tous les domaines, prenons acte de cet état d’urgence climatique et nous engageons à orienter nos activités afin de réduire immédiatement, et de façon radicale, leur impact sur l’environnement et le climat. »

274 personnes et 22 institutions, associations ou collectivités telles que le far°Nyon, Le Théâtre Forum Meyrin, Le Théâtre du Jura ou la 2b company sont signataires de la « Charte des artistes, acteurs et actrices culturelles pour le climat » lancée au printemps 2019 par l’auteur jurassien Camille Rebetez, cofondateur de la compagnie Extrapol et responsable de médiation du Théâtre du Jura (voir article sur le Théâtre du Jura) avec le dessinateur Tom Tirabosco et le journaliste genevois Pierre-Louis Chantre. « Si on ne résout pas les enjeux environnementaux, on crève tous·tes. Sans action maintenant, il n’y aura plus d’agriculture en Europe en 2100. C’est plus absolu que le Covid ou les caisses de pension. J’ai trois filles et cette question fondamentale me préoccupe tout le temps, sur le plan artistique, politique et de la médiation » alertait Camille Rebetez dans une interview donnée au journal Le Courrier en décembre dernier.

L’urgence climatique prend les artistes aux tripes. Certain·e·s d'entre elles·eux n’hésitent plus à le faire savoir en proposant des pièces totalement exemptes de traces polluantes, Le plus radical d’entre eux est peutêtre le chorégraphe Jérôme Bel qui a déclaré ne plus vouloir faire prendre l’avion à ses danseurs·euses. C’est en février 2019, alors qu’il ajustait le chauffage dans son appartement parisien pour économiser autant d’énergie que possible, que Jérôme Bel a réalisé qu’au même moment, quatre de ses assistant·e·s voyageaient à Hong- Kong et à Lima pour remonter une de ses créations. « Je suis un hypocrite, je me mens à moi-même, ma vie n’est que du mauvais théâtre » s’avoue l’artiste qui le confie plus tard à l’AFP (Agence France Presse). Il décide alors que ni lui ni la compagnie ne prendront plus l’avion. « Cela a changé complètement ma façon de travailler et c’est très stimulant », affirme-t-il. « Même si depuis longtemps mes spectacles, mon esthétique en général, qui sont une critique du consumérisme et de son corollaire le capitalisme, ne produisent jamais d’objets polluants comme de nouveaux costumes ou scénographies. »

En Suisse romande, les artistes et les compagnies prennent peu à peu la mesure de l’urgence d’agir. Eric Devanthéry et sa compagnie Utopia ont même accouché d’un manifeste avec l’aide de la journaliste culturelle Cécile Della Torre. « Nous avons mis nos pensées en commun pour dessiner les lignes d’un théâtre durable et décroissant qui tente de faire mieux avec moins. » annonce le préambule du Manifeste. Un document posé en opensource sur le site de la compagnie pour faciliter une écriture collective par d’autres intervenant ·e·s et qui décline plusieurs valeurs telle que la décélération et propose des actions comme prendre le temps de chercher ou rallonger la durée des répétitions et le nombre de représentations.

Enfin, créé par la scientifique et actrice culturelle Delphine Avrial, un nouveau label – label THQSE - spécifiquement dédié au monde de la culture est proposé aux institutions culturelles désireuses d’entrer dans une démarche écoresponsable. « Ce label peut être complémentaire à une charte. Il y a ainsi une reconnaissance des actions engagées par l’organisation culturelle. Une structuration et un suivi des démarches », souligne la porteuse de ce projet inédit. « Cela pourrait inciter un processus de fédération entre les structures culturelles autour d’enjeux communs et du partage de bonnes pratiques ».

Pour aller plus loin :
charteclimatculture.ch
eric-d.ch
labelthqse.ch