Nouvelle loi sur les jeux d’argent
Par le biais de sa Commission des affaires juridiques, le Conseil des États a entamé l’examen du projet de nouvelle loi fédérale sur les jeux d’argent. Le Directeur général de la Loterie Romande, Jean-Luc Moner-Banet, nous livre son point de vue sur différents aspects.
Le projet de loi permet-il de garantir la stabilité à long terme des bénéfices distribués à l’utilité publique ?
Jean-Luc Moner-Banet : Conformément à l’article 106 de la Constitution, le projet garantit que les bénéfices provenant des loteries et des paris sportifs continueront d’être destinés exclusivement aux organes de répartition des cantons, pour le soutien de projets caritatifs, culturels et sportifs, de même que les impôts versés par les maisons de jeu contribueront au financement de l’AVS et de l’AI. Il s’agit néanmoins de veiller scrupuleusement au respect de cette exigence fondamentale qui pourrait être dénaturée par des visées mercantiles. Les dispositions de la loi doivent permettre d’assurer que les bénéfices des jeux d’argent au sens de l’article 106 de la Constitution soient bien affectés à des buts d’utilité publique et ne soient pas détournés au seul profit de prestataires privés. Les failles du système actuel sont notamment exploitées par des groupes de presse qui opèrent des jeux concours à des fins lucratives et génèrent des bénéfices importants via des frais de communication surtaxés.
Les mesures destinées à endiguer l’offre illégale sur internet seront-elles efficaces ?
J-L M-B : En raison des dangers bien réels liés à la criminalité, au blanchiment d’argent ou à la dépendance, la lutte contre l’offre illégale – qui représente en Suisse un revenu brut des jeux estimé à chf 300 millions – est clairement une nécessité. À cet égard, le projet de loi a l’avantage de prévoir des mesures concrètes pour endiguer les jeux d’argent illégaux comme le blocage des sites internet non autorisés. Il s’agit en substance d’introduire un système de « listes noires » des offres de jeux en ligne diffusées depuis l’étranger et proposées en Suisse sans autorisation. L’accès à ces offres sera bloqué directement par les fournisseurs d’accès à internet, permettant ainsi de dissuader la grande majorité des joueurs de se tourner vers des offres illégales. Les exemples de plusieurs pays en Europe comme la France, la Belgique et l’Italie, qui ont réussi à restreindre considérablement le jeu illégal sur internet grâce à des dispositions contraignantes, démontrent l’efficacité et la pertinence de telles mesures de blocage.
Le dispositif de protection de la population, notamment contre le jeu excessif, est-il suffisant ?
J-L M-B : Les mesures prévues assurent une protection efficace, en particulier des mineurs et des populations vulnérables. Cette nouvelle réglementation, à la fois souple et adaptée aux facteurs de risques, permet de tenir compte des spécificités des jeux et de leur mode d’exploitation ainsi que des évolutions technologiques. Sous le contrôle des autorités de surveillance, les exploitants seront tenus de prendre les mesures appropriées à leurs offres respectives. Au vu de l’ensemble du dispositif, le projet comporte des exigences qui feront sans doute de la législation suisse une des plus strictes d’Europe. Dans ce contexte, l’adoption de mesures de prévention supplémentaires risquerait de remettre en question la cohérence des solutions proposées. Des mesures disproportionnées ou irréalistes nuiraient à l’instauration de l’équilibre indispensable entre la protection des joueurs d’une part et la nécessité de garantir une offre à la fois légale et attractive d’autre part.
Le projet prévoit aussi l’exonération fiscale de tous les gains à des jeux d’argent. S’agit-il d’une bonne idée ?
J-L M-B : Actuellement, les gains issus des loteries et des paris sportifs sont soumis à l’impôt sur le revenu, ce qui n’est pas le cas des gains acquis dans les maisons de jeu, libres, quant à eux, de toute imposition. À bon escient, le projet de loi supprime cette inégalité et instaure une situation qui prévaut dans d’autres pays en exonérant l’ensemble des gains réalisés grâce aux jeux d’argent. Cette nouvelle conception rendra les jeux de loterie et les paris sportifs plus attrayants et permettra par conséquent de générer des bénéfices supplémentaires en faveur des projets caritatifs, culturels et sportifs. Les changements législatifs introduits en 2013, soit le relèvement du seuil de l’impôt anticipé à chf 1’000.- sur les gains de loterie et la suppression de la taxe du droit des pauvres dans le canton de Genève, constituent de bons exemples : ces deux mesures ont clairement dynamisé les jeux de loterie et les paris sportifs au profit de l’utilité publique, en permettant de réorienter le jeu illégal et transfrontalier vers les opérateurs officiels.